Recherche – Detailansicht

Ausgabe:

März/2024

Spalte:

164-165

Kategorie:

Altertumswissenschaft

Autor/Hrsg.:

Müller, Reinhard, Neumann, Hans, u. Reettakaisa Sofia Salo [Hgg]

Titel/Untertitel:

Rituale und Magie in Ugarit. Praxis, Kontexte und Bedeutung. Unter Mitarbeit v. Clemens Steinberger.

Verlag:

Tübingen: Mohr Siebeck 2022. XV, 341 S. = Orientalische Religionen in der Antike, 47. Lw. EUR 139,00. ISBN 9783161567247.

Rezensent:

Anne-Sophie Dalix

L’ouvrage rassemble, pour une part, des communications présentées lors du IVe colloque international d’Ugarit qui s’est tenu à l’Université de Münster (Westfälische Wilhelms-Universität), et, pour une autre, quatre articles sous la plume de V. Matoïan, J. F. Quack, R. Müller et Cl. Steinberger qui viennent enrichir les perspectives d’approches et prolonger le thème. Ainsi, il comporte en tout douze contributions en deux langues, allemand et anglais, qui s’articulent en quatre sections d’inégales longueurs:

– la 1ère »Rituels et magie à la lumière des découvertes archéologiques d’Ugarit« (3–33);

– la 2e »Études sur les incantations et les textes rituels ugaritiques« (35–227) ;

– la 3e »Rituels et magie dans les mythes et épopées ugaritiques« (229–280) ;

– la 4e »Rituels et magie dans un contexte oriental élargi« (281–326).

Dans la première section, V. Matoïan poursuivant son inventaire des témoins de la materia magica, s’attache à replacer dans leurs contextes archéologique ou archivistique, divers objets de fabrication locale ou non, afin d’en démontrer la fonction prophylactique. Il s’agit d’unica et de la série des ›yeux‹ en agate.

La seconde section constitue le cœur de l’ouvrage. Elle débute par un gros article de synthèse dû à R. Müller et à Cl. Steinberger, portant sur la conception de l’espace dans les incantations (KTU 1.100, 1.169, 1.114, 1.82 et 1.107). Celle-ci joue sur le rapport dialectique entre intérieur et extérieur, et se retrouve aussi bien dans les textes rituels et les épopées d’Ugarit que dans la littérature suméro-akkadienne et l’Ancien Testament.

Suivent cinq contributions, qui donnent un bon reflet de la variété et de la complexité de la catégorie textuelle des rituels, qui ne se laisse pas aisément enfermer dans un cadre trop rigide et dans lesquelles leurs auteurs mettent l’accent sur un rituel en particulier soit en traitant d’un passage précis soit en en recherchant le Sitz im Leben. Deux historiolae (KTU 1.114 et 1.23) sont examinées, de même que deux rituels difficilement classables (KTU 1.82 et 1.108). Pour Cl. Steinberger, l’historiola de KTU 1.114 ne concernerait pas l’ivresse de ’Ilu mais son attaque par Yarḫu (dieu de la lune) qu’il identifie au ḥby. Cette dernière se déroulerait au moment de la pleine lune et le texte aurait un lien avec le culte des ancêtres. S’appuyant sur un domaine de comparaison rarement utilisé, les papyri égyptiens, l’égyptologue J. F. Quack, spécialiste du démotique, traite de la dernière section d’une incantation en très mauvais état de conservation, KTU 1.82 (1. 41), et en propose une nouvelle interprétation.

Quant aux trois auteurs suivants, H. Niehr, P. Čech et N. Ayali-Darshan, ils se concentrent sur deux rituels spécifiques qui n’ont pas connu le même intérêt de la part de la communauté mondiale scientifique : KTU 1.108 et KTU 1.23. Dans une minutieuse étude transdisciplinaire, très convaincante, H. Niehr fait revivre le rituel KTU 1.108, dont on avait eu jusqu’alors peine à préciser la fonction. En le replaçant dans son contexte de découverte, l’auteur réunit autour de ce texte toute une série d’instruments rituels et d’autres textes appartenant au même ensemble: la célébration de l’intronisation royale. Avec P. Čech et de N. Ayali-Darshan, on retrouve une nouvelle historiola, probablement l’une des plus étudiées, KTU 1.23. Leurs contributions apparaîtront comme complémentaires: P. Čech fait un bilan critique de l’histoire de la recherche sur ce texte et de son interprétation. N. Ayali-Darshan renouvelle l’interprétation de la seconde section de KTU 1.23 (l. 8– 11), en se fondant sur une étude comparative des rituels agricoles au Proche-Orient ancien et en Egypte ainsi que sur une nouvelle traduction de mt wšr. Cette contribution pose à nouveau la question des théonymes doubles avec, ici, deux composantes culturelles distinctes.

Sous la troisième section, sont regroupés deux articles dont les auteurs, M. Smith et R. S. Salo, explorent les relations entretenues entre la littérature ugaritique, épopées et mythes, et les textes rituels. M. Smith, après avoir défini la notion problématique de magie, étudie les qualités de magicien prêtées à trois dieux (Kotharu, ’Ilu, Ba‘alu) dans les textes épiques, les historiolae et les incantations. R.S. Salo présente une analyse détaillée des processus rituels décrits dans l’épopée de Kirtu (KTU 1.14 III 50–IV 8 et 1.16 III 1–11) et revient sur des interprétations couramment admises.

Par l’extension des champs géographiques et chronologiques abordés dans la quatrième section, cette dernière constitue une conclusion implicite aux études précédentes. Le corpus des rituels hittites reflète des traditions régionales issues des différents territoires intégrés à l’empire, A. Mouton s’interroge sur leur raison d’être au sein des archives de la capitale hattie et elle plaide pour leur utilisation concrète. Quant à Ch. Theis, il propose la seule étude iconographique du volume à travers l’origine et la diffusion du motif des êtres à plusieurs têtes présents dans les traditions proche-orientale, ugaritaine et de l’Ancien Testament. Cette idée de pérennité est également soutenue par P. Juhás qui traite des incantations contre les serpents (réels ou mythiques), rédigées en syriaque. Ce genre littéraire qui persiste dans le milieu du christianisme syrien (oriental) malgré les oppositions montre un enracinement millénaire qui expliquerait l’emploi de citations bibliques modifiées.

L’ouvrage se clôt par les Indices (327–341) des sources textuelles anciennes classées par corpora et langue. Il ne comporte pas de bibliographie générale à part celle de l’avant-propos (IX–XII) mais une individualisée qui se trouve à la fin de chaque contribution. Néanmoins, quelques références concernant KTU 1.23 et 1.114 ont été omises; il est vrai qu’au moment du colloque, la plupart n’était pas encore parue. A titre d’exemples, on mentionnera:

E. Puech, »La tablette RS 24.258 = KTU 1.114, 14–15 revisitée«, RB 122/2015, 284–289.

J.-M. Husser, »What if the goodly gods were bonnie princes? An integration rite for royal princes in KTU 1.23«, UF 48/2017, 685–694;

A.-S. Dalix & V. Matoïan, »La tête de masse décorée d’un scorpion RS 24.57 découverte en 1961 : un document inédit de la ›Tranchée Sud-acropole‹ d’Ougarit«, Archéologie, patrimoine et archives II, RSO 26, Paris, 2019, 81–112;

G. Del Olmo Lete, »Glosas Ugaríticas XIII«, Aula Orientalis 38/2020, 411–412.

Somme toute, cet ouvrage s’inscrit dans le mouvement général de l’ugaritologie et des études sur le Proche-Orient ancien, où l’intérêt pour les rituels est manifeste. Comme tout un chacun pourra l’apprécier, la thématique des rituels est loin d’être épuisée. Par la richesse des contributions, leur variété et leur intérêt, cette publication est un outil indispensable pour toute personne, spécialiste ou non, s’intéressant à Ugarit et/ou aux rituels.