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Ausgabe:

Dezember/2017

Spalte:

1341–1343

Kategorie:

Neues Testament

Autor/Hrsg.:

Baum, Armin D., Häußer, Detlef, u. Emmanuel L. Rehfeld [Hrsg.]

Titel/Untertitel:

Der jüdische Messias Jesus und sein jüdischer Apostel Paulus.

Verlag:

Tübingen: Mohr Siebeck 2016. VIII, 417 S. = Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament. 2. Reihe, 425. Kart. EUR 94,00. ISBN 978-3-16-153872-8.

Rezensent:

Armand Puig i Tàrrech

À l’occasion du passage à l’éméritat du Rainer Riesner, ses collègues et ses élèves de l’»Arbeitskreis für evangelikale Theologie« (Al-brecht-Bengel-Haus, Tübingen) lui ont dédié un Symposium (juin 2015) qui a été consacré à un double thème: l’arrière-fond juif de la tradition de Jésus, et l’enracinement du message de l’apôtre Paul dans cette tradition. Ce double thème correspond aux deux parties du livre qui nous intéresse: quatre contributions pour la première partie (7–172) et sept pour la seconde (173–380). Trois index sélectifs clôturent le volume: citations (383–402), auteurs (403–409) et thèmes (411–417).
Les dénominateurs communs aux contributions des disciples de R. Riesner – qui représentent la majorité des articles du livre – sont la judaïté (Jewishness) de Jésus et Paul et la relation de continuité/ discontinuité entre judaïsme et christianisme. L’empreinte exégétique laissée par l’ancien professeur de la Technische Universität Dortmund sur cette pléiade de disciples – qui utilisent une méthodologie semblable à la sienne et parviennent à des résultats fort proches – apparaît clairement lorsque l’on se rapporte aux positions exégétiques de Riesner lui-même.
Thomas Pola, professeur d’Ancien Testament à Dortmund, étudie »les œuvres du Messie« (Mt 11,2–6 par. Lc 7,18–23) et propose la foi comme notion commune à ce texte et à Is 7,1–17 (10–47). Il y dé-cèle en outre la présence du motif du Messie caché, celui qui porte le nom d’Emmanuel, le roi idéal qui aurait vaincu la mort elle-même (d’après 4Q521). Pola élargit sa recherche vers d’autres œuvres du Messie, telles la restauration d’Israël, la reconstruction du temple et la théologie de l’expiation, le tout s’inscrivant dans le contexte de l’avènement du nouvel éon. Roland Deines, pour sa part, souligne que les textes du Nouveau Testament doivent être compris comme textes du judaïsme ancien, et que le messianisme de Jésus se manifesterait dans d’autres réalisations messianiques de l’histoire d’Israël (de Zorobabel à Bar Kokhba) (49–106). Or, les protagonistes de cette histoire ne cessent de se présenter eux-mêmes dans la perspective de l’accomplissement des Écritures. Selon cette interprétation, le recours aux Écritures de la part de Jésus, ferait partie de sa légitimation comme prétendant messianique. Deines étudie les citations de l’Évangile de Luc, directes et indirectes – non celles de Matthieu – et réfléchit sur l’importance d’une thèse familière à Riesner et à Bauckham: les traditions davidico-messianiques de la famille de Jésus.
Emmanuel L. Rehfeld place sa contribution dans l’horizon de la théologie biblique et se pose la question du rapport entre le message prépascal de Jésus et le kérygme postpascal sur le Christ dans les récits des Évangiles synoptiques (107–136). Il reprend la thèse ancienne selon laquelle l’activité de Jésus, telle qu’elle est racontée dans les Synoptiques, serait une sorte d’»introduction« à la clarification de sa mission, laquelle se réalise seulement lors de la croix et la résurrection. L’image de Jésus dans les Synoptiques doit forcé ment intégrer les deux perspectives (prépascale et postpascale), amenant l’auteur à relever certaines tensions internes dans les écrits synoptiques: particularisme/universalisme, histoire/eschatologie, présent/futur du Royaume … Rehfeld termine en déga-geant un certain nombre de conséquences herméneutiques pour une théologie évangélique. La dernière contribution de la partie consacrée à la judaïté de Jésus s’appuie sur les critères de psychologie expérimentale de Robert K. McIver appliqués aux textes de la tradition synoptique (137–172). L’auteur de cette contribution, Armin D. Baum, se propose de démontrer l’importance et la fiabilité de la mémoire en ce qui concerne la transmission des matériaux synoptiques. McIver – Carroll avaient affirmé que les parallèles synoptiques plus littéraux (ils identifient neuf textes parallèles dans lesquels la séquence verbale de 16 à 31 mots est tout à fait identique) ne peuvent s’expliquer qu’à partir d’une activité de copie écrite. Baum réplique, en se fondant sur les cultures orales, que l’on peut mémoriser sans erreur des originaux de 36 mots. Par conséquent, tous les textes synoptiques présentant un parallélisme verbal complet auraient pu être transmis par la seule mémorisation, sans passage nécessaire par une activité d’écriture.
La partie du livre consacrée aux études sur Paul débute par une contribution de Volker Gäckle sur le sujet classique du Royaume de Dieu chez Jésus et chez Paul, que l’auteur présente sous le titre »Dimensionen des Heils« (175–225). Gäckle conclut que Paul n’est pas tributaire de la tradition de Jésus en ce qui concerne la question du Royaume, et ce, même si l’on constate des recoupements dans les aspects éthiques, l’orientation vers l’avenir mais sans le biais apocalyptique, la dimension de présent. La différence résiderait dans l’usage moindre, chez Paul, du concept de Royaume, dont la cause serait l’origine hellénistico-romaine de ses destinataires. Ceci expliquerait, chez Paul, l’importance de l’Esprit comme don du salut présent qui remplace le Royaume. Joel R. White apporte des arguments supplémentaires à l’appui de la thèse de N. T. Wright sur la méta-narration – sous-jacente aux lettres de Paul – d’un Israël en exil qui serait rassemblé par le Messie Jésus (227–242). Dans la ligne exégétique et herméneutique des »Messianic Jews«, Hanna Rucks examine Röm 9–11 en rapprochant de l’exégèse protestante allemande les accents propres à ce passage (243–264). Guido Baltes se demande si Röm 8,2 – à son avis le seul texte paulinien qui parlerait directement de la »libération de la loi« – peut justifier que cette formule soit considérée comme centrale dans la pensée de Paul (265–314). Detlef Häußer présente la communauté de Philippe comme un exemple de la prédication du Messie Jésus dans un milieu païen (315–339). Alexander Weiß remarque qu’un nombre considérable d’adhérents au christianisme qui habitaient dans les coloniae d’Asie et Grèce ont été citoyens romains, et pas seulement Paul (341–356). Enfin, Michael Theobald montre comment la lettre à Tite utilise la technique consistant à combiner deux termes (substantifs, adjectifs, participes, phrases verbales) (357–380). Le premier terme est tiré des lettres de Paul, tandis que le second est en fait une »traduction« hellénistique de l’auteur qui en module le sens pour ses destinataires. Cette opération présuppose l’existence d’un corpus paulinum déjà fixé – suggérant que Luc ne peut pas être l’auteur de Tt – et la volonté, comme l’affirme Theobald, »jede Esoterik dabei zu vermeiden« (374).
Même si cet ouvrage a un caractère fort hétérogène, on y décèle au moins deux grands axes. D’une part, la continuité de Jésus avec le judaïsme y est nettement soulignée, alors que la rupture qu’il représente y est laissée beaucoup plus dans l’ombre. Par exemple, s’il est vrai que Jésus a une origine davidique et que sa famille est l’une des sources de la tradition le concernant, il faudrait distinguer entre les informations que Luc a recherchées (Lc 1,3) et l’usage que fait Jésus de son entourage davidique dans sa prédication. À la lumière de Mc 12,35–37, peut-on affirmer que Jésus utilise les Écritures pour légitimer son statut de Messie? D’autre part, la re-cherche du Jésus historique implique une analyse philologique et historique de tous les textes se rapportant à lui. L’ouvrage traite d’une théologie de la communauté ancienne et de sa confession de foi postpascale. Mais dès avant Pâques existe sur Jésus une tradi-tion qui passe par les adhérents à son mouvement et qui inclut les propos et les réalisations, les projets et les choix du rabbin de Nazareth. La judaïté de Jésus s’inscrit dans sa personne même.