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Ausgabe:

Juli/August/2022

Spalte:

699–701

Kategorie:

Kirchengeschichte: Reformationszeit

Autor/Hrsg.:

Büttner, Florian

Titel/Untertitel:

Johann Bader. Eine biographische Studie zum reformatorischen Netzwerk am Oberrhein.

Verlag:

Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht 2020. 302 S. m. 6 Abb. = Forschungen zur Kirchen- und Dogmengeschichte, 121. Geb. EUR 80,00. ISBN 9783525567234.

Rezensent:

Matthieu Arnold

La présente étude, fruit d’une thèse de doctorat soutenue en 2019 à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Munich, consiste à la fois 1) en une biographie de Johann Bader (1487–1545), le Réformateur de Landau, laquelle met en exergue sa vie et son œuvre (une quinzaine d’écrits), et 2) en une présentation du »réseau (Netzwerk) réformateur du Rhin supérieur (Oberrhein)«, étudié à partir de la correspondance de Bader (voir 12).
La longue introduction (11–35) développe principalement un certain nombre de considérations théoriques sur l’étude des ré-seaux, en se fondant en particulier sur la notion de »capital social« en lien avec les travaux du sociologue Pierre Bourdieu (21–24). Traitant de la manière de décrire et d’exploiter les »réseaux«, l’auteur précise, à deux reprises (26 et 28) que la taille, modeste, du réseau qu’il étudie permet d’exploiter les données sans recourir à leur traitement informatique. Ces considérations, de même que l’affirma-tion, obvie, selon laquelle »chaque individu est influencé par son milieu, [et qu’]en même temps, les individus influencent leur milieu« (29) étaient-elles vraiment nécessaires? La question se pose pareillement pour les pages, fort générales, consacrées à »Reformation und Reformatoren« (31–33). En revanche, les pages dévolues à définir ce que l’auteur entend par »Rhin supérieur« (33–35) sont les bienvenues; à la suite d’Ulrich Wien et de Volker Leppin, l’auteur caractérise cet espace géographique notamment par ses échanges, sa fluidité et ses transferts (35). – Le corps de l’ouvrage est agencé de manière chronologique.
La section I dépeint en une dizaine de pages les réseaux à l’œuvre dans le Rhin supérieur à la veille de la Réformation (l’huma-nisme aurait mérité une évocation plus ample que sa mention de la page 38, où apparaissent entre autres les noms de Martin Bucer, de Philippe Melanchthon et de Sélestat), la ville d’Empire de Landau et sa situation politique (avec son appartenance à la Décapole alsacienne), puis la jeunesse et les débuts de l’activité publique de Bader. Il ne semble pas que l’auteur ait trouvé de sources nouvelles à son propos, puisqu’il écrit qu’en raison de l’»état lacunaire des sources«, on ne peut rien affirmer de définitif à propos de la formation de Bader et donc des influences qui se sont exercées sur lui (45).
Les sections II à IV, qui sont beaucoup plus développées (une centaine de pages à chaque fois pour les sections II et III, une trentaine pour la section IV), présentent successivement les trois phases de l’activité de Bader: ses débuts (1521–1526), la phase de consolidation de la Réforme à Landau (1526–1536) et enfin les »dernières années« (1537–1545).
Six ans après la publication des 95 thèses, Bader est mis en accusation pour son adhésion aux idées nouvelles. Peut-être la période 1522–1523 a-t-elle vu aussi ses premiers contacts avec Martin Bucer, qui résida à partir de novembre 1522 à Wissembourg, non loin de Landau (48). Mais il est vrai que le nom de Bader n’apparaît pas dans le tome 1 de la correspondance de Bucer, qui couvre les années allant jusqu’à 1524, ni même dans le tome 2 (1524–1526). On ne peut rien prouver d’une connaissance entre les deux hommes au temps où Bucer se trouvait à Wissembourg, conclut avec prudence l’auteur. (voir 49). L’auteur présente de manière détaillée (52–65) le premier écrit apologétique de Bader ( Artickel und clagstuck …, 1524), qui confirme le caractère réformateur de sa prédication, ainsi que ses autres publications de 1524, notamment le pamphlet Die Luterisch Strebkatz (77–108; cet écrit anonyme est attribué à Bader). L’auteur établit des parallèles avec l’évolution d’autres Réformateurs à cette époque, et il met en évidence l’influence considérable exercée alors par Luther, dont les réseaux discutaient et répandaient les idées. C’est ainsi que, dans un autre pamphlet anonyme illustré de 1524, Ausführung der Christglauben aus Egyptischer Finsternis (voir 110–124), Bader dépeint la manière dont Luther, le »prophète«, a tiré les croyants des ténèbres. Le dernier écrit de cette première période est consacré au sacrement de la Cène: Von der Gans / die das Sakrament gessen hat (1526; voir 125–151) remonte probablement à une prédication de Bader et prend pour point de départ l’accusation selon laquelle il aurait donné la Cène à une oie; la position sacramentelle de Bader, qui insiste sur la manducation extérieure et intérieure, se rapproche de celle de Bucer. L’examen du réseau de Bader pour cette période montre qu’il n’a pas de contact direct avec Luther, et seulement des contacts avec Bucer grâce aux passerelles avec d’autres réseaux (voir 152).
De la période 1526–1536, où le réseau de Bader s’étoffe notablement (voir 241), émergent notamment le premier catéchisme protestant de Bader, Ein Gesprächbüchlein (1526), qui avait été publié il y a plus d’un siècle par Ferdinand Cohrs, et l’Avertissement fraternel contre les anabaptistes (Brüderliche Warnung …, 1527). Le catéchi-sme, qui suit la forme des questions-réponses, traite tout d’abord de la foi, puis expose le Notre Père, le Credo et le Décalogue. Dans l’interprétation de »zuo richten die lebendigen und die todten«, qui défend l’idée de la prédestination, l’auteur voit des parallèles avec la Kurze Form de Martin Luther (172; plus largement, le texte de Bader serait très proche de celui de Luther, 180); or, si Luther y parle de la punition éternelle des »ennemis et des adversaires« – élément qu’on ne retrouve pas dans ses catéchismes de 1529 –, il n’est pas question chez lui de prédestination. La Brüderliche Warnung (voir 181–204), dirigée contre Hans Denck, a sans doute été éditée chez Knobloch l’Ancien à Strasbourg et, dans leur propre combat avec les dissidents, les Strasbourgeois en ont fait usage (voir ainsi Bucer, Correspondance, t. III, n° 162, 71; lettre du 13 août 1527 à Zwingli, que l’auteur ne cite pas). Bader juge que les »Tauffbrüder« mésusent de l’Écriture sainte, il fonde le pédobaptisme sur la Bible, avant de présenter sa conception du baptême, signe de l’Alliance. Signalons encore, pour la période 1526–1536, à côté d’un exposé sur la Cène (Summarium … von Abentmal …, 1533) qui montre à nouveau Bader proche de la théologie des Strasbourgeois, l’ordonnance ecclésias-tique de 1534 pour la ville de Landau. Il y est question, outre des deux sacrements retenus par les protestants, de la bénédiction des époux – Bader continue d’ailleurs de définir le mariage comme un sacrement, puisque selon Matthieu 19,3–6 il a été fondé par le Christ (223) – et de l’»assemblée des chrétiens zélés«. Bader a tenu, comme Bucer, à promouvoir la discipline en proposant aux croyants les plus fervents d’autres occasions de s’assembler que le culte (voir 236–238).
La seconde période s’est conclue par l’adhésion de Landau à la Concorde de Wittenberg. Durant la dernière phase, Bader s’est en partie rapproché des positions du spiritualiste Caspar von Schwenckfeld, avec lequel il s’entretint longuement à Strasbourg en 1543. La rédaction des Hausz Taffel (1540) et de la Christliche Haushaltung (1543) témoigne de son intérêt durable pour la pédagogie et la mise à la portée du plus grand nombre des principales idées de la Ré-forme (voir 251–257). Il en va de même de son bref catéchisme de 1544 (257–267), qui traite cette fois aussi du baptême, de la Cène et de la pénitence et montre des parallèles avec la théologie de Schwenckfeld au sujet de la prédestination. De même, le texte Vom gehaymnus der menschwerdung Jhesu Christi (1544) atteste, semble-t-il, l’influence de Schwenckfeld dans le domaine de la christologie (269–270). Dans cette dernière phase comme durant les précédentes, Bader n’a pas de contact direct avec les grands Réformateurs, à l’exception de Martin Bucer (voir »Netzwerk der Phase 1537–1545«, 274).
Au début de son étude, l’auteur explique qu’il s’intéressera à un théologien de »deuxième voire de troisième rang« (11). Une fois parvenu à la fin de son ouvrage, le lecteur se dit que ce choix était pleinement justifié: Johannes Bader, qui a œuvré à Landau et dont l’influence a largement dépassé cette ville, témoigne de la richesse de la Réforme, de son unité et de sa diversité; son œuvre met en évidence les influences qu’il a reçues, tant de Luther que des proches Strasbourgeois, mais aussi ses positions propres et ses évolutions (ainsi, ses rapports avec Schwenckfeld dans les années 1540).
L’impressionnante liste des sources sur lesquelles l’auteur se fonde (285–291) atteste que son livre est un véritable ouvrage d’his-torien. La bibliographie (291–300) est, elle aussi, fort respectable. Il est toutefois dommage qu’elle passe sous silence les synthèses d’Irene Dingel sur l’histoire de la Réforme et qu’elle semble ignorer l’ouvrage, dirigé par le même auteur et Wolf-Friedrich Schäufele, Kommunikation und Transfer im Christentum der Frühen Neuzeit (Mayence 2007): il y est en effet question, à maintes reprises, des réseaux épistolaires, lesquels sont au cœur de l’ouvrage de l’auteur.
Un registre regroupant les noms propres (personnes, lieux) et quelques thèmes facilitera la consultation de cette belle étude.