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Ausgabe:

April/2018

Spalte:

335–336

Kategorie:

Altes Testament

Autor/Hrsg.:

Cohen, Isabelle

Titel/Untertitel:

Un monde à réparer. Le Livre de Job. Nouvelle traduction commentée. Préface du Grand Rabbin de France H. Korsia.

Verlag:

Paris: Albin Michel 2017. 656 S. Kart. EUR 24,00. ISBN 978-2-226-32701-7.

Rezensent:

Jean Riaud

Isabelle Cohen, élève de Mireille Hadas-Lebel, professeur émérite à Paris IV-Sorbonne, et du grand orientaliste du Collège de France, le regretté André Caquot, nous offre ce qu’elle considère comme l’œuvre de sa vie: une traduction et un commentaire du Livre de Job. Pour ce faire, pour »déshabiller la Torah« (Zohar III, 152a), elle uti-lise les trois instruments principaux dont dispose le lecteur du XXIe siècle: l’analyse littéraire, la méthode historico-critique et les commentaires transmis par la tradition juive.
C. précise les apports de chacun de ces instruments. La méthode historique permet de reconstituer l’histoire d’une pensée. Son am­bition de souligner la manière dont Israël a métabolisé les grandes catégories en vogue au Proche-Orient antique aux IIIe et IIe millénaires, recèle une dimension spirituelle puisqu’elle contribue à retracer une aventure intellectuelle. Mais elle ne rend pas compte du fait que le Livre de Job continue à faire sens plus de trente siècles après sa mise par écrit.
Les commentaires de la tradition juive se répartissent en trois familles d’esprit; elles répondent à des besoins historiques, mais s’efforcent, dans le même élan à mettre en évidence les liens entre loi écrite et loi orale, sens obvie et sens ésotérique, raison et rite. La première qui peut être désignée comme celle de la tradition, a pour représentant Rashi. La seconde famille peut être qualifiée de philosophique, en ce sens qu’elle répond au besoin de présenter la pensée juive sous forme de système. Elle comporte une branche rationa-liste, incarnée par Maïmonide (Espagne, XII e siècle) et une branche mystique, dont le représentant est Nahmanide (Espagne, XIIIe siècle). La troisième dite de la modernité contemporaine de la diffu-sion de la philosophie des Lumières, a pour vocation de montrer que la seule prise en compte de la science et de la raison comme critères de la vérité ne suffit pas à construire un homme ayant historicisé l’éthique, ambition ultime de tout vie d’homme. Son héraut est Samson Raphaël Hirsch (Allemagne, XIXe siècle).
L’analyse littéraire est caractérisée par l’omniprésence de la poésie. Mais, contrairement à la poésie occidentale jusqu’au premier XIXe siècle, la poésie hébraïque ne se distingue ni par des rimes, ni par un nombre codifié de syllabes, ni même, selon les codex, par une mise en page particulière. Elle naît grâce à des images obtenues par le rapprochement de réalités concrètes. Ceci en raison de la pauvreté du lexique hébraïque, qui ne compte que cinq cents racines et cinq mille six cents vocables. Pour exprimes des abstractions, il est nécessaire de rapprocher des réalités concrètes très éloignées, ce qui revient à engendrer des images, le propre de la poésie.
Maîtrisant parfaitement ces trois instruments, C. nous offre une traduction du Livre de Job accompagnée d’un commentaire qui modifie le regard que nous portons sur ce livre, et ce, grâce à la traduction qu’elle en fait, et dont le parti pris consiste à ne changer ni les mots ni l’ordre des versets. De plus, tout particulièrement pour déplier les versets obscurs, cette traduction fait la part belle aux grands commentateurs juifs. Lorsqu’un choix est possible entre les différents sens d’un mot, C. choisit le plus concret d’entre eux pour restituer au texte toute sa force poétique. Le résultat est que nous lisons le Livre de Job comme nous ne l’avions jamais lu. C’est une véritable découverte.
Nous devons aussi cette découverte au commentaire que C. fait de chaque partie du livre. Chaque partie est indépendante, mais liée aux autres par des renvois. Les notes de bas de page sont une mine de richesses. On y trouve de définitions de termes, des invitations à effleurer la dimension hassidique ou à écouter la cabale. Il est possible de se plonger dans l’une ou l’autre des parties puisque le Livre de Job est un poème.
Une importante bibliographie complète cette magnifique lec-ture du Livre de Job que C. nous offre. Aussi convient-il de l’en remercier chaleureusement.