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Ausgabe:

Januar/2007

Spalte:

29-30

Kategorie:

Bibelwissenschaft

Autor/Hrsg.:

Laplanche, François:

Titel/Untertitel:

La Crise de l¹origine. La science catholique des Évangiles et l¹histoire au XXe siècle. Ouvrage publié avec le concours du Centre national du livre.

Verlag:

Paris: Albin Michel 2006. 718 S. gr.8° = Bibliothèque de l¹Évolution de l¹humanité. Kart. EUR 30,00. ISBN 2-226-15894-4.

Rezensent:

Jean Riaud

D¹entrée rassurons les lecteurs que ce livre de 718 pages pourrait effaroucher. Écrit dans une langue limpide, cet ouvrage qui puise à de très nombreuses sources inédites, se lit facilement. Il s¹adresse à tout lecteur désireux de comprendre les mutations radicales qu¹a connues l¹Église catholique dans son rapport aux Écritures, et l¹ont conduite à une réorientation de son regard sur ses origines.

Trois textes pontificaux marquent cette réorientation. Le premier, l¹encyclique Pascendi du 8 septembre 1907, réaffirmait vigoureusement le caractère historique du texte sacré et défendait l¹attribution des livres bibliques à leurs auteurs reconnus par la tradition, par exemple Moïse pour le Pentateuque, Isaïe, le prophète du VIIIe siècle, pour la totalité du livre d¹Isaïe. Le second texte, l¹encyclique Divino afflante spiritu (1943) reconnaissait le labeur des exégètes et l¹autonomie de leur recherche. Elle insistait sur la valeur unique des textes originaux, sur l¹utilité d¹en procurer de soigneuses éditions en appliquant les règles bien définies de la critique textuelle, la définition de l¹authenticité de la Vulgate, la priorité accordée au sens littéral et les limites de l¹exégèse spirituelle, et, points plus importants, la pleine appartenance des textes bibliques au temps et au milieu qui les ont produits était admise, et fortement soulignée l¹importance que l¹exégète devait accorder aux genres littéraires employés en Orient, ceci afin de discerner et reconnaître quels genres littéraires les auteurs bibliques ont voulu employer et ont réellement employés. Le dernier texte, la constitution Dei Verbum du Concile Vatican II (1965) distinguera »historicité des événements« et »vérité salutaire«, celle-ci étant sauvegardée même si la vérité historique d¹un texte peut être mise en défaut par la pratique de la méthode historique.

C¹est cette longue évolution du regard de l¹Église sur ses origines que L. retrace dans ce livre dont les matières sont réparties, comme il l¹indique (Introduction, 16), en douze chapitres. Les deux premiers chapitres couvrent la période avant la guerre de 1914; les chapitres 3, 4 et 5, l¹entre-deux-guerres; les chapitres 6 et 7, la préparation et les conséquences du grand tournant pris par Divino afflante spiritu en 1943; les chapitres 8 et 9 enregistrent le poids croissant de la science du judaïsme dans l¹histoire des origines chrétiennes et la réception nuancée, par l¹exégèse catholique, de l¹exégèse protestante, celle de Rudolph Bultmann notamment; le chapitre 10 présente la constitution Dei Verbum. Le chapitre 11 étudie les conséquences institutionnelles, dans l¹Église catholique, à Rome et en France, des prises de position conciliaires sur la Révélation et la réceptions, hors du catholicisme, des nouveaux travaux de l¹exégèse catholique. Le chapitre 12 expose, dans le temps long qui se déroule d¹Érasme à la fin du XXe siècle, comment la science historique s¹est emparée du domaine biblique, puis comment cette domination de l¹histoire s¹est vue mise en cause par d¹autres sciences des textes: la sémiologie littéraire, la sociologie de la littérature.

Ces différents chapitres qui s¹enchaînent parfaitement, mettent en pleine lumière le rôle joué par les exégètes »progressistes« dans la réorientation du regard de l¹Église sur ses origines. Mais au prix de dures souffrances, car ils furent continuellement victimes des foudres de la redoutable curie romaine dont l¹aveuglement ne manque pas d¹étonner. Qui étaient ces hommes exceptionnels qui ont contribué à la réussite de l¹exégèse critique? Ils appartenaient, selon L., à divers réseaux: le réseau jésuite, celui des »Amis de Loisy«, le réseau des exégètes sulpiciens et celui des lazaristes autour de M. Pouget que fréquentaient, grâce à J. Chevalier, de jeunes normaliens, J. Guitton, É. Mounier et bien d¹autres.

Au fil des chapitres, nous voyons se construire la pratique de l¹exégèse critique, et nous redécouvrons ceux qui en furent les promoteurs, le P. Lagrange, fondateur de l¹École biblique et archéologique française de Jérusalem, bien sûr, et bien d¹autres dont L. donne de précieuses notices biographiques à la fin de son ouvrage. Il relit leurs travaux qu¹il présente en clarifiant excellemment les enjeux les plus complexes des controverses exégétiques. Ce qu¹il n¹aurait pu faire s¹il n¹avait longuement commercé avec leurs auteurs.

Grâce à cette magistrale étude qui retrace l¹évolution de l¹intelligence catholique au XXe siècle, ceux qui ont vécu en tout ou en partie cette histoire la redécouvriront. Les autres qui du fait de leur jeunesse l¹ignorent, recueilleront, nous l¹espérons, la mémoire des acteurs et des témoins de cette histoire.