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Ausgabe:

April/2004

Spalte:

413–415

Kategorie:

Dogmen- und Theologiegeschichte

Autor/Hrsg.:

Fischer, Hermann

Titel/Untertitel:

Protestantische Theologie im 20. Jahrhundert.

Verlag:

Stuttgart: Kohlhammer 2002. 390 S. m. zahlr. Porträts. gr.8. Geb. Euro 22,50. ISBN 3-17-015754-X.

Rezensent:

Pierre Gisel

Cet ouvrage offre un excellent panorama de la théologie protestante au XXe siècle, un XXe siècle que l'auteur fait commencer avec la cassure qu'a représentée la guerre de 1914-18, avec, donc, la théologie dialectique, le socialisme religieux, la renaissance luthérienne. S'inaugure là en effet une période exceptionnelle de positionnements théologiques en lien avec l'évolution socio-culturelle de l'Europe, le politique bien sûr, les déploiements modernes, voire postmodernes (ou de modernité tardive) et l'évolution plus spécifique du religieux et des Eglises. Si l'auteur ne fait pas commencer l'histoire en cause par ce qui se tient avant 1914-18 (les héritages ritschliens, l'Ecole dite de l'histoire des religions, Troeltsch, les recompositions socio-religioso-culturelles que peut illustrer par exemple une Revue comme Die Tat, etc.), il situe bien, dans l'examen de chaque théologie ou auteur présenté, le rapport à la modernité qui se joue, y compris dans la négation qu'ont pu emblématiquement mettre en avant certaines déclarations de la théologie dialectique des années vingt ou la Kirchliche Dogmatik de Karl Barth. C'est que F. assume le néo-protestantisme et se réfère tout particulièrement à Schleiermacher, ainsi qu'à ce qui a pu se nouer dans les travaux de relecture de Troeltsch les deux dernières décennies du siècle, autour de Trutz Rendtorff et d'autres (la même conjoncture qui, d'ailleurs, a permis de relire Barth en fonction de ses relations, effectives mais non forcément conscientes, à cette même modernité née avec l'Aufklärung).

On pourra regretter - mais cela aurait été une autre visée et une autre ambition - que la théologie catholique soit ici très peu présente, au moins comme théologie fondamentale ou comme dogmatique (voire au titre d'autres problématiques, historiques ou institutionnelles): les diverses relectures de Thomas d'Aquin, Maurice Blondel, la relecture des Pères grecs, la "nouvelle théologie", en lien avec Fourvière et le Saulchoir, Karl Rahner, Hans Urs von Balthasar, Bernard Lonergan, Vatican II comme aggiornamento et ses ambivalences, exploitées de façon conservatrice ou modernisante selon les cas, les positionnements en lien avec le programme "postlibéral" du luthérien George Lindbeck, voire, plus globalement, avec la postmodernité, etc. La théologie catholique n'est ici touchée que quand l'auteur aborde des thèmes où les frontières confessionnelles sont dépassées ou au moins déplacées (la théologie politique, cf. Metz et les rapprochements possibles avec Moltmann; les théologies de la libération; les théologies féministes) ou, plus centralement, à l'occasion de débats explicitement cuméniques, comme autour de la "Gemeinsame Erklärung zur Rechtfertigungslehre" (F. y consacre un chapitre complet), voire à propos de l'opposition, typiquement moderne, autorité/liberté. Or, au plan d'une réflexion de "théologie fondamentale", l'examen parallèle et comparatif, sous l'angle, par exemple, des stratégies d'adaptation, conscientes ou non, à la modernité, serait très instructif, y compris, rétroactivement, pour la compréhension et la problématisation des positions protestantes.

De même, il convient de faire remarquer que l'histoire présentée concerne surtout, voire quasi exclusivement l'Allemagne (sauf pour les théologies de la libération et les théologies féministes, mais dont la discussion a été présente chez les théologiens allemands). La francophonie est absente, de même que les pays latins, peu protestants il est vrai, la Scandinavie ou les pays anglo-saxons. On notera que l'ouvrage ne fait pas place non plus aux théologies de type evangelical.

Ces réserves ou précisions données, on ne peut que répéter l'intérêt et la fiabilité de l'ouvrage. Le lecteur y découvrira successivement, et avec les références et précisions voulues, le tournant consécutif à la Première guerre mondiale, signalé ci-dessus, les positionnements ecclésiastiques et politiques au temps du nazisme, la Kirchliche Dogmatik de Barth, les démarcations ou autres voies par rapport à Barth (Bultmann, Brunner, Gogarten, Althaus, Hirsch, Elert), les déploiements de la théologie systématique après la Deuxième guerre mondiale (Tillich, Ebeling, la réception de Bonhoeffer), les nouveaux chemins ouverts à l'enseigne d'une pertinence de l'histoire (la reprise de la question du Jésus historique et la christologie radicale plus ou moins liée au thème de la mort de Dieu, Pannenberg, Moltmann, les théologies politiques et de la libération, les théologies féministes), la sortie du XXe siècle (Rendtorff, Jüngel, Herms, Wagner), avant le chapitre déjà indiqué, autour du débat centré sur la Rechtfertigungslehre et un chapitre final reprenant les tâches et frontières de la théologie systématique, développées à l'enseigne de la théologie dans les conditions de la modernité (j'ai déjà indiqué que se trouvait là le fil rouge des relectures proposées), mettant en avant les réalités et dimensions méthodiquement incontournables, voire principielles que sont l'expérience et l'enracinement anthropologique, et ouvrant sur une théologie attentive à énoncer et penser la validité générale de ses affirmations particulières, consciente aussi de la différence entre principe constitutif et apparitions historiques.

Terminons par une dernière remarque. J'ai dit combien le néo-protestantisme était assumé dans cet ouvrage, conditionnant l'ensemble des relectures proposées, tout en en donnant pleinement raison, même quand elles ont pu paraître couper avec cet héritage. On en reste d'autant plus surpris de la définition à mes yeux plutôt conservatrice des tâches et fonctions de la théologie mise en avant dans le dernier chapitre, renvoyant la théologie à la foi chrétienne reposant sur révélation, à partir du sol des témoignages bibliques et à l'horizon de la tradition qui voit la théologie être fonction de l'Eglise, même si c'est, bien sûr, en vue de répondre de la vérité pour le temps présent et en fonction de ce présent. Il me paraît qu'une poursuite du néo-protestantisme pourrait conduire à attribuer à la théologie une fonction plus délibérément centrée sur une tâche socio-culturelle, en lien avec le religieux bien sûr (dont les Eglises), mais un religieux qui tout à la fois a précédé le christianisme, l'a accompagné, s'y est mêlé, et lui survit ou le dépasse. Dans cette perspective, l'interface entre la théologie et les sciences des religions, actuellement relancée, même en Allemagne, aurait pu être plus prise en compte par l'auteur, de même que les travaux se situant à l'interface entre la théologie et les sciences humaines et sociales (et non seulement entre la théologie et la philosophie, même si ce point-là ne saurait être négligé, comme c'est malheureusement parfois le cas ailleurs). Peut-être que certaines des pistes ouvertes dans la discussion des travaux de Falk Wagner pourraient, si elles sont reprises et poursuivies, se révéler fructueuses, de même que certaines relectures inspirées de Troeltsch visant à croiser, délibérément, théories de la modernité et théories de la religion (comprenant, subordonnée, au moins pour une part, une théorie du christianisme), l'ensemble pouvant constituer le lieu de la théologie et baliser donc sa fonction (un lieu permettant, conformément aux voeux de F., d'articuler la théologie à un champ positif d'expérience, d'en dire la réalité anthropologique et d'énoncer là une validité générale de ses affirmations et prises de position).