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Ausgabe:

Juni/2002

Spalte:

656–658

Kategorie:

Dogmen- und Theologiegeschichte

Autor/Hrsg.:

Hirsch, Emmanuel

Titel/Untertitel:

Gesammelte Werke, hrsg. von H. M. Müller. 1-3: Lutherstudien. Bände 1-3.

Verlag:

Waltrop: Spenner 1998/99. 232 S., 273 S. u. 331 S. 8. Kart. Bde. 1 u. 2 je ¬ 14,50, Bd. 3 ¬ 19,50. ISBN 3-927718-28-9, 3-927718-29-7, 3-927718-49-1.

Rezensent:

Matthieu Arnold

Si Emanuel Hirsch est connu des historiens, c'est, actuellement, sans doute moins en tant que "Lutherforscher" qu'en raison de l'engagement de cet universitaire éminent en faveur de l'idéologie du IIIe Reich1, et des débats qui en résultèrent avec Paul Tillich, son ancien condisciple. Même pour les luthérologues bien informés, les prises de position politiques de Hirsch ont contribué à discréditer ces contributions d'historien de la Réforme: "Der zunächst bedeutendste Vertreter der Hollschule, Emanuel Hirsch (1888-1972), hat freilich das Hollsche Erbe durch seine politische und theologische Haltung nach 1933 diskreditiert. In der kirchlich-theologischen Diskussion sind darum andere Gestalten und Gesichtspunkte vorherrschend geworden als die von der Hollschen Lutherdeutung herkommenden. Dadurch ist freilich verdeckt worden, dass auch in den Arbeiten von Emanuel Hirsch, obwohl in höchst selbständiger und zuweilen eigenwilliger Weise, spezifisch reformatorische Traditionen bestimmend sind." (B. Lohse, Martin Luther. Eine Einführung in sein Leben und Werk, München, 1982 [2. Aufl.], 237.)

Aussi est-ce avec une vive curiosité que nous avons ouvert les trois volumes de Lutherstudien d'Emanuel Hirsch, qui inaugurent la publication de ses uvres complètes (les éditeurs annoncent, Bd. 1, S. 3, qu'elle se poursuivra par ses écrits relatifs à Kierkegaard et par ses travaux sur la philosophie idéaliste).

Les tomes 1 et 2 ne constituent pas à proprement parler une nouveauté éditoriale, puisqu'ils se contentent de reproduire des impressions anciennes, réalisées déjà du vivant de Hirsch. Après une introduction beaucoup trop brève (1-3), qui passe rapidement sur les ombres de la biographie de Hirsch (2), le tome 1 reproduit les Lutherstudien parues à Gütersloh en 1954, ouvrage incomplet (sur les cinq chapitres initialement prévus, Hirsch n'en avait fait paraître que trois et demi) consacré à la doctrine de la conscience chez Luther (Drei Kapitel zu Luthers Lehre vom Gewissen). On peut comprendre que les éditeurs aient choisi la solution d'un simple reprint; mais on regrettera alors l'absence d'une préface plus conséquente ou d'une postface situant l'étude de Hirsch dans le contexte de la Lutherforschung des années cinquante, examinant l'impact de cette étude et brossant le panorama des travaux actuels consacrés à la conscience chez Luther. Ce regret vaut d'avantage encore pour le tome 2 (1ère édition, Gütersloh, 1954), agencé en trois parties: I. "Zu Luthers Persönlichkeit und Lehre" (9-103); II. "Zu den geistesgeschichtlichen Wirkungen Luthers" ([Kant, Fichte, Schleiermacher, Hegel et Nietzsche], 104-206); III. "Zu Luthers deutscher Bibel" (207-273). En effet, les éditeurs auraient pu annoter, par exemple, "Luther 1517-1521", paru dans le volume collectif Glaube und Freiheit. Ein Gruß an die evangelischen Theologen an der Front, Berlin, 1940, article dans lequel Hirsch, exaltant Luther comme homme allemand, figure sans égale "in der ganzen Geschichte der weißen Menschheit", poursuit: "Allein schon um Luthers willen hat das deutsche Volk einen unvergänglichen Platz unter den großen Weltvölkern der Erde. Einen Engländer, den man auch nur mit Abstand hinter Luther in einer Reihe nennen dürfte, gibt es nicht." (91.)

Le tome 3, quant à lui, renferme des articles et une conférence inédite choisis par Hans Martin Müller, et situés entre 1918 et 1954 (en fait, la plupart d'entre ces écrits datent des années vingt, et l'on ne trouve guère de publication ayant paru entre 1933 et 1945). Entre une courte préface (5) et une postface un peu plus substantielle, mais valant pour les trois tomes des Lutherstudien (324-327; l'éditeur se contente d'y signaler la dette de Hirsch envers Holl, et d'y exposer les raisons pour lesquelles il ne s'est pas consacré entièrement à Luther), ces études sont agencées en trois sections: I. "Zu Luthers Theologie und Leben" (7-165); II. "Rezensionen" (166-224); III. "Luthers deutsche Bibel" (225-331).

La première section renferme des travaux fort divers: une leçon inaugurale inédite ("Der Staat in Luthers Theologie", 7-24) y côtoie des articles substantiels fort bien documentés, tels que "Luthers Gottesanschauung" (24-50), mais aussi des études plus brèves et moins scientifiques: "Luthers Kampfweise" (51-53), ou encore le manuscrit "Luther und das Recht" (162-165), dans lequel Hirsch exécute de manière lapidaire l'important ouvrage de J. Heckel, Lex charitatis, München 1953: "Auch Johannes Heckel hat hier verdunkelt, was bei Sohm schon helle gewesen ist."

Ce sont précisément les comptes rendus (section II) de Hirsch, qui témoignent, outre de son ton souvent cassant (il commence la recension de Erich Seeberg, Grundzüge der Theologie Luthers, Stuttgart 1940, par cette phrase: "Es ist kein erfreuliches Geschäft, das unten angeführte Buch zu besprechen [...]", 218; voir aussi la critique sévère, mais en grande partie justifiée, de l'ouvrage collectif Luther in ökumenischer Sicht, Stuttgart 1929, 191-195), de sa grande culture théologique et de sa profonde connaissance du Réformateur. Il en va de même de son travail fouillé sur la Bible allemande de Luther (section III, 225-323), ouvrage paru à Munich en 1928.

Pour ce troisième tome aussi, les annotations de l'éditeur sont fort discrètes: elles se bornent généralement à compléter les références bibliographiques données par Hirsch. Il aurait pourtant été fort utile de commenter ses recherches. Comment, par exemple, comprendre l'évolution ultérieure de Hirsch au regard de ce passage précoce sur l'État: "Dies zweite Beispiel [aus Luthers Schriften] macht vielleicht noch deutlicher als das erste, wie souverän das Gewissen des Christen genüber dem Staate ist." (20)? De même, une mise en perspective de ses études sur la langue de Luther par rapport aux travaux antérieurs et postérieurs eût-elle été bienvenue, pour ne pas dire indispensable.

En éditant ou en rééditant les trois tomes des Lutherstudien d'Emanuel Hirsch sans les pourvoir d'un appareil critique digne de ce nom, Hans Martin Müller rend qu'à moitié service à la Lutherforschung: au contraire de ce que semble estimer leur éditeur, ces documents, dans leur ensemble, n'apportent plus guère de contribution aux études actuelles sur la Réformation; elles appartiennent désormais bien plutôt à l'histoire des idées dans la première moitié du XXe siècle. Nous espérons que la publication des Gesammelte Werke de Hirsch se poursuivra avec un souci plus affirmé, par les éditeurs, de camper l'arrière-plan historique voire la réception de ces travaux.

Fussnoten:

1) Voir par exemple Theologische Fakultäten im Nationalsozialismus, hrsg. von Leonore Siegele-Wenschkewitz und Carsten Nicolaisen, Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1993; Kurt Meier, Die Theologischen Fakultäten im Dritten Reich, Berlin et New York: de Gruyter, 1996.