Recherche – Detailansicht

Ausgabe:

April/2002

Spalte:

420 f

Kategorie:

Kirchengeschichte: Reformationszeit

Titel/Untertitel:

Luther, Martin: Du serf arbitre. Suivi de Désiré Érasme: Diatribe: Du libre arbitre. Présentation, traduction et notes par Georges Laggarigue.

Verlag:

Paris: Gallimard 2001. 715 S. kl.8 = Collection Folio/Essais, 376. ISBN 2-07-041469-8.

Rezensent:

Matthieu Arnold

Tout au long du XXe siècle, depuis l'ouvrage d'A. Meyer, Étude critique sur les relations d'Érasme et de Luther, Paris 1909, une riche lignée d'historiens et de théologiens francophones, catholiques pour la plupart, se sont intéressés au débat entre Érasme et Luther, examiné notamment du point de vue de l'humaniste (voir notamment, outre l'ouvrage de Jean Boisset, Érasme et Luther. Libre ou serf arbitre?, Paris 1962, l'étude fondamentale de Georges Chantraine, Érasme et Luther. Libre et serf arbitre, Paris-Namur, 1981, la biographie de Léon E. Halkin, Érasme parmi nous, Paris 1987 et le recueil d'études de Jean-Claude Margolin, Érasme, précepteur de l'Europe, Paris 1995)1. Cette perspective les a amenés généralement à prendre le parti de l'humaniste; c'est ainsi que, dans son introduction au "Libre arbitre" dans l'édition de Claude Blum, Érasme (Paris: Robert Laffont, 1992), André Godin a dépeint Luther comme un "homme impulsif, toujours prompt à la riposte" (695). Aussi pouvons-nous nous féliciter de la présentation, dans un volume au format de poche et par les soins du latiniste Georges Lagarrigue, qui avait déjà traduit en français le Commentaire de l'épître aux Romains par Luther (Martin Luther, uvres, t. XI et XII, Genève 1983 et 1985), du De servo arbitrio (1525), précédé de la Diatribè (1524). Le temps était venu de remplacer la traduction française parue dans le tome V de Martin Luther, uvres (Genève 1958): elle comporte des lourdeurs voire des contresens, et son annotation est extrêmement réduite.

Dans une importante "Présentation" (9-49), l'éditeur examine les deux doctrines opposées dans leurs aspects généraux, décrit les spiritualités antagonistes de Luther et d'Érasme, avant d'exposer le déroulement de la querelle puis l'impact du débat; seule cette dernière rubrique, et notamment le passage consacré à "survivance et modification du débat du point de vue exégétique" (31 f.) nous a paru trop sommaire, d'autant plus que ces pages ne sont étayées par aucune référence à des commentaires bibliques contemporains. En revanche, nous avons apprécié les développements relatifs au "genre littéraire et [à] la composition du serf arbitre" (37-49), composition récapitulée dans un tableau qui met en rapport la structure des deux écrits (48). Ces développements s'inscrivent à la suite des travaux de Ernst-Wilhelm Kohls, Luther oder Erasmus, Basel 1978 et de Günter Bader, Assertio. Drei fortlaufende Lektüren zu Skepsis, Narrheit und Sünde bei Erasmus und Luther, Tübingen 1985, auteurs qui ont insisté sur les genres littéraires respectifs de la diatribè, comparaison des arguments pro et contra dans un débat théologique ouvert (Erasme), et de l'assertio, affirmation relative à des doctrines intéressantes la foi et dans une question déjà tranchée par l'Écriture Sainte (Luther).

Précédées par une chronologie (53-57), les traductions du De servo arbitrio (64-460) et de la Diatribè (463-561) se recommandent par leur fidélité, fidélité qui, on le soulignera, n'a pas été obtenue au détriment du style. Une précieuse annotation, rejetée en fin de volume (573-673; 666-673 seulement pour la Diatribè, que l'on trouve déjà dans d'autres traductions françaises récentes), aide à la compréhension littéraire, historique et théologique des deux importants traités.

Une annexe du signataire de ces lignes sur "La querelle d'Érasme et de Luther prolongée par leurs interprètes" (565-570; 673-677) et de précieux index (références bibliques, 685-695; lieux et personnes, 697-702; auteurs des XIXe et XXe siècles, 703 f.; notions, 705-714) contribuent à faire de ce volume un ouvrage de référence. On regrettera toutefois que la bibliographie (678-681) présente certains manques: certaines indications n'ont pas été mises à jour (ainsi, les biographies de Luther par M. Lienhard et A. Greiner sont citées respectivement d'après la 1ère et la 2nde édition, alors qu'elles ont connu une 4ème et une 3ème édition, toutes deux révisées); de nombreuses études, telles que H. J. Mc Sorley, Luthers Lehre vom unfreien Willen, 1967 ou encore K. Schwarzwäller, Theologia Crucis, 1970, pour ne citer qu'elles, ne sont pas signalées (la rubrique "Études particulières" se limite à deux titres!).

Il n'empêche: l'importante publication de G. Lagarrigue participe d'une tendance prometteuse de la recherche, qui, avec sérénité, s'efforce de comprendre l'articulation propre à la pensée de la Diatribè et du Serf arbitre; elle contribue à cette tâche proprement historique dans la mesure où elle permet aux lecteurs francophones d'examiner avec précision comment l'écrit de Luther tente de répondre, pied à pied, au défi majeur que lui lance Érasme.

Fussnoten:

1) Nous n'ignorons pas que, du côté allemand, l'attention au débat entre ces deux figures majeures du premier XVIe siècle n'a jamais faibli, comme l'illustrent par exemple les articles récents de Henning Graf Reventlow, "Die Rolle der Kirchenväter im Streit zwischen Erasmus und Luther. Eine neue Besinnung", in: David C. Steinmetz (éd.), Die Patristik in der Bibelexegese des 16. Jahrhunderts, Wiesbaden, 1999, 49-70 ou de Athina Lexutt, "Humor und Theologie bei Erasmus und Luther", in: Luther. Zeitschrift der Luther-Gesellschaft 71/1, 2000, 4-20, et plus encore l'ouvrage de Thomas Reinhuber, Kämpfender Glaube. Studien zu Luthers Bekenntnis am Ende von De servo arbitrio, Berlin, 2000.