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Ausgabe:

Juni/2001

Spalte:

655–657

Kategorie:

Dogmen- und Theologiegeschichte

Autor/Hrsg.:

Rieske-Braun, Uwe

Titel/Untertitel:

Duellum mirabile. Studien zum Kampfmotiv in Martin Luthers Theologie.

Verlag:

Göttingen: Vandenhoeck und Ruprecht 1999. 287 S. gr.8 = Forschungen zur Kirchen- und Dogmengeschichte, 73. Geb. DM 98,-. ISBN 3-525-55181-9.

Rezensent:

Matthieu Arnold

Le présent ouvrage est le fruit d'une thèse d'habilitation soutenue durant le semestre d'été 1997 devant la Faculté de Théologie protestante de l'Université de Hambourg, et qui a été révisée en vue de la publication (7).

Un bref chapitre introductif (1. Zur Zielsetzung und Vorgehensweise, 11-16) annonce l'objet de la présente étude (le motif de la Croix et de la Résurrection du Christ comme triomphe sur les puissances mortifères que sont "le péché, la Loi, la colère de Dieu, le diable, la mort et l'enfer", 12) ainsi que sa méthode: combiner, à la manière de Bernhard Lohse (à l'endroit duquel R.-B. reconnaît sa dette dans son avant-propos, 7) pour la théologie de luther (1995), ou, avant lui, de Marc Lienhard pour l'ensemble de la christologie (1973), une approche historique-génétique avec une présentation systématique. (Toutefois, ce qui différencie la méthode de R.-B. de celle mise en uvre par Lienhard et Lohse, c'est que, chez R.-B., l'approche systématique, au chapitre 4, précède l'approche historique-génétique, chapitre 5.) Le second chapitre, lui aussi fort concis (2. Annonce: Das Motiv vom duellum mirabile, 17-22), précise le motif du duellum mirabile en se fondant sur une prédication de Pâques du 9 avril 1531 (WA 34 I, 271-285).

Le chapitre 3 (Deutungen: Stationen der Forschungsdebatte, 23-65) ne prétend pas livrer un aperçu exhaustif de l'état de la question; il présente bien plutôt l'histoire de l'interprétation en se limitant à huit étapes marquantes, depuis le débat qui, au milieu du XIXe siècle, a opposé les théologiens d'Erlangen Johann Chr. K. von Hofmann et Gottfried Thomasius, jusqu'aux ouvrages récents de Theobald Beer, en passant par Harnack, Ritschl, R. Seeberg, Holl, Aulén et Althaus. On regrettera cependant que cet intéressant survol historique ne débouche pas sur quelques pages conclusives récapitulant les enjeux de ces travaux liés à la christologie et à la sotériologie de Luther.

Le chapitre 4 (Christi Heilswerk als Kampf, 66-114) systématique, se fonde sur le Commentaire de Luther sur l'épître aux Galates (1531/35) pour examiner un certain nombre de thèmes: peccatum; ira Dei; lex; mors, iudicium Dei, infernum; diabolus. Ce faisant, R.-B. met en évidence les différences entre Luther et certains auteurs médiévaux (Duns Scot, Alexandre de Hales, au sujet du péché, 70), et lui-même entre en débat avec les auteurs étudiés au chapitre 3 (cf. par ex. 77, où, au sujet de la colère de Dieu, il estime, contre Aulén, que dans son commentaire sur les Galates, Luther conçoit le combat entre la colère et l'amour de Dieu non pas comme un combat cosmologique, mais comme une lutte anthropologique, au sein de l'être humain). R.-B. se consacre ensuite plus précisément (89-100) à l'interprétation luthérienne de Galates 3, 13, qu'il compare avec la Himmlische Fundgrube de Johannes von Paltz et avec les prédications de Geiler de Kaysersberg (100-103), avant d'étudier le motif du duellum mirabile en lien avec le De servo arbitrio (1525) et la question du libre arbitre (103-114).

Le chapitre 5 (Genese und Entwicklung des Kampfmotivs 1514-45, p. 114-226) est le plus développé de l'ouvrage. R.-B. fait porter l'accent sur les années 1514-1521 (116-170), tandis que les années 1523-1545 (R.-B. étudie les prédications de Pâques de cette période) ne se voient consacrer qu'une vingtaine de pages (201-226). Dans cette partie, R.-B. s'attache à nouveau à étudier la réception, chez Luther, de la tradition antique et médiévale (Origène, Augustin, Grégoire le Grand et Anselme de Canterbury, 171-201).

Le chapitre 6 étend cette investigation à d'autres genres littéraires: les Catéchismes (233-235), les cantiques (236-240); M.-B. ne mentionne pas les travaux de Patrice Veit, notamment Das Kirchenlied in der Reformation Martin Luthers, Stuttgart 1986, lequel a pourtant montré que le triomphe du Christ constituait un motif central dans les cantiques de Luther) et divers commentaires des années 1543-1545 (240-245).

Une importante conclusion (246-259) ramasse les acquis de cette étude, en apportant des réponses nuancées aux questions posées par la tradition interprétative: au cours du duellum mirabile, Dieu combat-il principalement contre des puissances adversatives conduites par le Diable, ou est-ce la satisfactio du Christ qui apaise sa colère envers le péché humain (246)? en accentuant unilatéralement la divinité du Christ dans certains passages, Luther est-il entré en conflit avec les intentions des dogmes christologiques et trinitaires de l'Église ancienne (252)? le motif du combat revêt-il une dignité théologique propre ou ne sert-il qu'à illustrer le message de la Croix et de la Résurrection (254)?

L'ouvrage se conclut sur un index des personnes (282-287); il est malheureusement dépourvu d'index des thèmes et des citations bibliques. Plus fondamentalement, il est fort dommage qu'une étude aussi érudite se signale par son ignorance de toute la littérature francophone consacrée à Luther. Ainsi, en dépit d'une bibliographie relativement importante (260-281), et pour ne parler que des recherches récentes, seules les études de Marc Lienhard parues en allemand sont signalées. L'auteur ignore par exemple notre ouvrage sur La correspondance de Luther, Mainz: von Zabern, 1996, alors même que, à la suite des travaux de Heiko A. Oberman, nous y consacrons une centaine de pages à la vision luthérienne de l'histoire comme combat entre Dieu et le diable, thème qui est au cur de la présente recherche ... Il est vrai que, par ailleurs, R.-B. ne semble guère s'intéresser au corpus des lettres de Luther, si l'on excepte la lettre du 8 avril 1516 à Georg Spenlein qu'il interprète brièvement (123s.); or les travaux de Ute Mennecke-Haustein (Luthers Trostbriefe, Gütersloh 1989, que R.-B. ne semble pas connaître; dans ce bel ouvrage, Mennecke-Haustein s'est pourtant intéressée au Sermon von der Bereitung zum Sterben, que R.-B. examine aux 151-156!) et nos propres recherches ont montré l'importance que revêtait, dans la Seelsorge épistolaire de Luther (cf. notamment sa praeparatio ad mortem et sa consolatio mortis), le motif du triomphe du Christ sur la triade diable, monde et chair/ péché. Enfin, alors que, çà et là, R.-B. établit des parallèles entre Luther et la tradition des Pères de l'Église (cf. par ex. 145, à propos de Jean Chrysostome) ou des auteurs médiévaux, il ne met pas en uvre de telles comparaisons avec les contemporains de Luther.

On prendra donc cet ouvrage pour ce qu'il est: une recherche très solide et exigeante, bien documentée et aux conclusions argumentées, mais qui, parce que portant sur un corpus limité (essentiellement des prédications et des commentaires bibliques) et à cause des lacunes bibliographiques que nous avons signalées tout au long de ce compte rendu, méritera sans doute d'être complétée par des investigations ultérieures.