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Ausgabe:

September/2000

Spalte:

919–921

Kategorie:

Kirchengeschichte: Reformationszeit

Autor/Hrsg.:

Frank, Günter, u. Stefan Rhein [Hrsg.]

Titel/Untertitel:

Melanchthon und die Naturwissenschaften seiner Zeit.

Verlag:

Sigmaringen: Thorbecke 1998. 329 S. m. 26 Abb. dav. 3 farb. gr.8 = Melanchthon-Schriften der Stadt Bretten, 4. Lw. DM 58,-. ISBN 3-7995-4805-X.

Rezensent:

Nelly Robinet-Bruyère

On n'a sans doute pas suffisamment mis en lumière l'impact de la Réforme sur la pensée philosophique et scientifique du XVI ème siècle. Ni quelle réception exacte des sciences et techniques nouvelles fut celle des penseurs réformés. La nouveauté touchait alors la théologie, les sciences et les techniques. Il s'agit de déceler les liens qui ont pu corréler les mutations de ces divers champs épistémiques. Un ouvrage érudit, paru en 1998: Melanchthon und die Naturwissenschaften seiner Zeit contribue largement à réparer cette lacune.

Ce recueil d'articles, édité par les soins de Günter Frank et Stefan Rhein, se donne le projet encyclopédique d'étudier comment le théologien Philipp Melanchthon, grand réformateur des humanités - Grammaire, Logique et Rhétorique - s'est positionné face aux sciences de la nature de son temps. Et plus précisément, d'examiner la synthèse féconde qu'il opéra entre Humanisme, Réforme et expansion du savoir en ces débuts des temps modernes. Y a-t-il compatibilité, s'interroge Ralph Keen, entre les sciences de la nature et la théologie? Il convient de répondre par l'affirmative : M. dit parler d'autre chose que de théologie. Et ce n'est pas, pour lui, s'éloigner de Dieu: comprendre les sciences, c'est connaître Dieu, origine de notre sagesse, et les appliquer, c'est à la fois servir Dieu et l'utilité des hommes, leur mieux-vivre et leur salut. L'astronomie permet d'observer l'ordre mis par Dieu dans l'univers. La médecine est un don de Dieu pour améliorer la vie humaine et les hommes doivent travailler à son progrès. Le corps est comme le temple de l'esprit et le coeur humain, le lieu de Dieu et l'image du ciel.

L'ouvrage commence par un hommage de la ville de Bretten au hollandais Cornelis Augustijn, auteur de travaux sur Melanchthon et la Renaissance et bien connu pour sa bibliographie d' Erasme et ses recherches sur l'humaniste de Rotterdam. Le tout premier article est signé de sa plume et présente Melanchthon, curieux de tout ce qui relève de la culture, à la recherche de Dieu et de la nature. Si l'ère chrétienne marque pour lui le centre de l'histoire et la terre , celui de la création, il ne perd pas de vue le monde comme tout, comme univers. Contemporaine des bouleversements de l'astronomie, sa vision du monde, exprimée dans son Initia doctrinae physicae reste toutefois, selon Augustijn, proche de la philosophie naturelle d'Aristote. Rien de nouveau n'advient par elle. Mais on peut dire qu'elle n'adhère plus à la thèse de la fixité du soleil autour duquel se mouvrait la terre, mettant ainsi en question le géocentrisme de Ptolémée et, de ce fait, contribue à l'esquisse du modèle héliocentrique. Certes, G. J. Rheticus, plus d'avant- garde que Melanchthon, se livre au même moment, à une confrontation plus explicite de l'astronomie nouvelle et de la Bible et ébranle plus vigoureusement le géocentrisme, la croyance à la prétendue petitesse de la Terre et à son caractère immobile. Melanchthon a du moins le mérite de vouloir suivre une méthode rationnelle pour argumenter ce qui de soi n'est pas compréhensible avec nos mesures et notre échelle: la forme sphérique de l'univers. Il se penche aussi sur le délicat problème de l'âge du monde, noyé dans un dilemme insoluble: ou bien il date de 5500 ans, ou bien il est de toute éternité.

Günter Frank montre avec pertinence comment Melanchthon adopte la conception aristotélicienne du mouvement - acte par lequel une activité efficace tend vers une forme - et de la causalité efficiente et l'intègre à la théologie chrétienne. Cela lui permet de postuler à la fois l'éternité du monde et le premier moteur non mû. Mais il initie un intérêt tout humaniste pour la matière qu'il veut expliquer par ses principes immanents, ses lois et son existence propre. Mêlant la philosophie naturelle de Platon, d'Augustin et la théologie naturelle chrétienne, il réinvestit l'Idée dans l'esprit divin et transforme le mythe de la création. Dieu devient un grand géomètre et un sage architecte. La cause efficiente supplante la cause finale. La téléologie d'Aristote est abandonnée au profit de la théologie.

Wolfgang Maaser remonte jusqu'à Luther, aux sources du rapport nouveau, même simplement amorcé, de la théologie aux sciences de la nature - médecine, météorologie ... - que Melanchthon établira explicitement. Dino Belluci montre, comment ce dernier, commentant les Métamorphoses d'Ovide et l'Enéide de Virgile, interprétant la théologie poétique d'Orphée des Muses et d'Hermès Trismegiste, soutient la thèse de Dieu comme esprit, pour des raisons bibliques et théologiques, tout en y voyant un danger anthropomorphique. Concevoir Dieu comme essence spirituelle permet néanmoins de justifier à la fois l'intelligibilité du monde créé et la lumière de notre propre esprit. Il s'agit toutefois de veiller, ce que n'ont pas fait les poètes, les stoïciens et bon nombre de philosophes, à disjoindre Dieu comme esprit du monde et Dieu comme acte du monde.

C'est encore à Luther que Melanchthon aurait emprunté le plaidoyer en faveur d'une astronomie mathématique. Formé aux mathématiques et à l'astronomie par J. Stöffler à Tübingen, il n'a pas augmenté considérablement le savoir de ces sciences, mais son intérêt pour elles n'est pas dépourvu de signification ni de rapport à sa théologie (cf. Charlotte Methuen). Karin Reich signale le peu de mathématiciens professionnels en ce temps et présente la liste des "mathematici" inventoriés dans la Prosopographia de H. Pantaleon (1570) et le Calendarium historicum de (1756). Géométrie, Arithmétique, Musique et Astronomie n'étaient pas alors parties essentielles du cursus scolaire. M. va en encourager l'enseignement dans les écoles et les universités, en composant des introductions pour deux livres scolaires de Géométrie et d'Astronomie, et par ses commentaires des Eléments d'Euclide et des Theoricae novae Planetarum de Peurbach. Il y traite certes de l'utilité de ces savoirs pour la vie quotidienne, pour les arts libéraux, le droit et la médecine, mais aussi pour accéder à Dieu, à l'action bonne et pour constituer une société ordonnée. L'étude des épigrammes astronomiques de Melanchthon, conduite par Barbara Bauer, fait apparaître, outre leur critique de l'atomisme de Démocrite et d'Epicure et leur rejet d'une croyance au hasard de la naissance du monde, notre âme éclairée par la lumière divine, apte à connaître la nature et à choisir entre le Bien et le Mal.

Le "Praeceptor Germaniae" va aussi promouvoir la géographie comme discipline scolaire (Uta Lindgren). Il possède une grande documentation en la matière. Et même si la cartographie montre que subsistent bien des zones d'ombre sur les positions géographiques, il manifeste le souci d'une plus grande précision à retirer de la mathématisation et de la synergie avec la recherche en astronomie.

E. Knobloch souligne quelle a été la difficile entreprise de vouloir fonder mathématiquement la cosmographie et, dans une analyse conjointe et comparée de Mercator et de Melanchthon, s'emploie à restituer la compréhension du monde de ce dernier, plus copernicienne que ptoléméenne, loin de tout fatalisme comme de tout déterminisme. Monde-livre où a écrit Dieu, théâtre de l'esprit humain et de son efficience. L'analyse finement menée trouve une judicieuse illustration dans la publication d'une lettre de Mercator à Melanchthon du 23 août 1554.

Melanchthon va élargir le champ des sciences à des disciplines tenues habituellement pour incertaines parce qu'ayant pour objet le probable ou le vraisemblable. Soit, en leur conférant une certaine scientificité, par leur rattachement à une science reconnue, comme c'est le cas de l'astrologie naturelle qui peut devenir une part de la physique, si elle rencontre l'astronomie et les lois de la cosmologie. Soit, comme le montre Wolf-Dieter Müller-Jahncke pour la pratique mantique de l'astrologie, en la présentant comme une lecture des signes adressés par Dieu. M. établit, dans cette visée, des horoscopes pour lui-même, ses proches et Luther.

Selon W. Maaser, Luther aurait aussi réhabilité la rhétorique comme art, alors qu'Aristote l'avait cantonnée au probable et au vraisemblable et lui avait interdit toute utilité dans la poursuite du nécessaire et du vrai. Melanchthon aurait poursuivi le rapprochement entre rhétorique et dialectique et appliqué ces dernières à l'astronomie et à la médecine.

W. V. Eckart déplore qu'ait été si peu remarqué le rôle du philosophe de Bretten dans la réforme des facultés de médecine et le développement de cet art. Il n'y a pourtant pas moins de 19 Declamationes, entre 1529 et 1560, qui traitent de la dignité de l'art médical, qui critiquent la médecine empirique, étudient Galien, Hippocrate, Avicenne ... ou plus techniquement, présentent les causes de putréfaction ou la discrimination entre trachée artère et oesophage. Mais qui surtout présentent la médecine comme connaissance de l'ordre divin sur la terre et comme service de Dieu. J. Helm confirme l'inscription de la médecine dans un cadre théologique et religieux par son étude sur "spiritus" dans le Liber de anima de Melanchthon. L'esprit saint éclaire les coeurs et les cerveaux et engendre de nouveaux affects qui rénovent l'homme et lui rendent plus claire la connaissance de Dieu. Cette approche originale du sens interne est complétée par celle de H. T. Koch, qui étudie de manière plus externaliste, la réception de Vésale dans la tradition anatomique de Wittenbergh, entre 1514 et 1564, pour reconstituer le paradigme du corps humain qui imprégna M.

L'article de R. Pozzo pourrait tenir lieu de synthèse et de conclusion. À ces travaux amples et érudits. M. prend place dans les tentatives de son temps à mettre en concordance Platon et Aristote. Sa physique reste aristotélicienne, conforme à la doxa de l'enseignement universitaire. Sa géométrie et son intérêt pour les mathématiques sont résolument platoniciens. Mais ce que M. a tenté de plus original - et d'inconfortable? - c'est l'organisation de la recherche et de l'enseignement dans l'Allemagne protestante, l'élaboration des statuts, des programmes et des catalogues. C'est, ce que souligne admirablement l'ensemble de la publication dont nous rendons compte, l'inscription des sciences de la nature dans la théologie réformée et dans la morale humaniste.

Il reste à souhaiter qu'un travail similaire et d'aussi bonne qualité soit accompli autour de Melanchthon, la Réforme et la nouvelle Dialectique.