Recherche – Detailansicht

Ausgabe:

November/2016

Spalte:

1201–1203

Kategorie:

Judaistik

Autor/Hrsg.:

Paul, André

Titel/Untertitel:

Croire aujourd’hui dans la résurrection.

Verlag:

Paris: Salvator 2016. 185 S. Kart. EUR 20,00. ISBN 978-2-7067-1333-0.

Rezensent:

Jean Riaud

Les chrétiens confessent »croire à la résurrection de la chair«. Quelle est leur représentation de celle-ci? Probablement, pour nombre d’entre eux, celle qui leur a été inculquée depuis toujours et l’est encore par les prêches dominicaux, à savoir qu’au moment de la mort l’âme quitte le corps qu’elle retrouvera à la fin des temps, non dans l’état où elle l’avait laissé, mais rénové.
Une telle conception est radicalement incompatible avec le »génie de la foi« qu’André Paul nous fait découvrir dans ce livre où il se donne pour but »d’élucider, d’une façon audible, par nos contemporains, la valeur infinie de données ›révélées‹ recueillies dans le Credo«. D’où l’adverbe »aujourd’hui« au centre du titre: Croire aujourd’hui dans la résurrection.
S’ils ne le savaient pas, les lecteurs de ce livre apprendront au cours du voyage que son auteur leur propose que »la résurrection n’est pas l’›immortalité‹, loin de là. Pas davantage la restitution du corps à l’identique, serait-ce dans la perfection«. Ce sont les Grecs qui sont les inventeurs et les promoteurs de la doctrine de l’âme immortelle, qui, bien que d’origine grecque, imprégna, du Ier siècle avant notre ère à la fin du Ier siècle chrétien, les »courants hellénisés de la société judaïque ancienne«. Mais pouvait-on concilier cette doctrine gréco-judaïque de l’immortalité de l’âme avec »le cri de Dieu face au corps de l’homme qu’il vient de créer: »›Voilà qui est bien!‹? Ce corps retourné à la terre est-il totalement et définitivement perdu? Sans nul doute, puisque l’idée d'immortalité déter-mine »l’âme à des fuites obligées de toutes formes de corps.«
Fort heureusement, d’autres visions de l’homme et de sa destinée nous ramènent au corps, nous indiquant un sens à donner à la mort autre que celui d’une fin absolue. Ce sont ces visions qu’P. nous rappelle. Commentant le Testament d’Abraham, il y lit l’approche d’une conception de la mort, considérée non plus dans sa »fatalité« mais dans sa »nécessité«. La mort n’est pas traitée dans le Testament comme »la fin d’une vie«; elle est présentée »comme un ›départ‹ qui redonne la vie«. Il manque cependant à ce texte »le principe et la force susceptibles de transformer la mort en départ, plus encore en tremplin véritable de vie«. Le principe de cette transformation de la vie, c’est l’»esprit« qui »est«, résume magnifiquement P., »à la résurrection, ce que l’âme est à l’immmortalité«. Contrairement à l’âme qui n’a de cesse de fuir le corps, »l’esprit ne quitte rien«; il est »une force de reconstitution, ou mieux de recréation mais non de réincarnation«.
Affirmer la résurrection du corps, c’est se mettre »en quête d’une forme pour le corps ressuscité«. P. conduit cette quête en interrogeant les penseurs directements préchrétiens sur leur imagination ou conception de la forme du corps ressuscité. Il apparaît que »la question du comment de la résurrection ravive celle du qui ressuscite, sollicitant la prise en compte de la question du quand, et ce faisant celle du quoi«. Nous voyons alors que dans Daniel, II Baruch, et le IVe livre sibyllin s’esquisent les grands traits de la résurrection, collective et indivi-duelle: transformation du monde, tri et jugement des élus, rôle des astres, place des anges dont la fascination qu’ils exercent sur les hommes à partir du IIe siècle avant notre ère est connue. Les Chants pour le sacrifice du sabbat, sont un bel exemple de cette fascination: ils sont un appel à »la louange divine adressée aux anges«, rituel au cours duquel se jouait probablement une forme d’identification »des ›saints‹, membres de la communauté idéale«, à ces êtres célestes.
Pourtant l’état de ces purs esprits, n’offre aux humains que »le mirage des corps ressuscités«. C’est une autre vision que nous offre Jésus qui n’eut de cesse d’annoncer la proximité et l’immédiateté du Royaume des Cieux, annonce »assortie de commentaires en paroles ou en actes à valeur prédagogique«. En quoi consiste ce Royaume? »La formule est grandiose mais pour ainsi dire vide«. Le Royaume est déjà là mais il advient aussi à une échéance non précisée, très lointaine même au point de se confondre avec la fin, celle de ce ›monde-ci‹. »Et s’instaure ainsi l’opposition entre ›ce monde-ci‹ et ›ce monde-là‹, identifié au Royaume des Cieux«.
Il convient de garder, présent à l’esprit, ce schéma qui sert de base à tout passage de Jésus sur la résurrection. Dans la controverse avec les Sadducéens sur la résurrection (Mt 22,23–33 et //), Jésus affirme que »ceux qui auront été jugés dignes d’avoir part à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari; aussi bien ne peuvent-ils mourir, car il son pareils aux anges, et il sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection«. En affirmant que les justes ressuscités seront »pareils aux anges«, Jésus veut signifier que »les corps humains transfigurés ne sont ni mâles ni femelles«. »Pareils«, c’est-à-dire semblables d’aspect mais différents de nature dans une forme d’indifférenciation sexuelle, après le temps du sexe. »C’est l’ère sans fin du genre ›oméga‹, que confirme le sôma pneumatikon de saint Paul. C’est à Paul en effet que nous devons l’élaboration dernière de la résurrection«, comme le montre le commentaire clair et précis que fait P. de I Co 15,18–28 et 35–53. Nous y trouvons »un net et profond déplacement dans l’approche de l’homme ressuscité«. Il y est affirmé que ce dernier »passe d’un ›corps d’âme‹ à un ›corps d’esprit‹, plus exactement selon la belle traduction que donne notre auteur de sôma pneumatikon, ›corps dissout dans l’esprit‹. Ce corps ›dissout dans l’esprit‹ est à ›construire mais comme l’un d’une série illimitée dont le modèle unique sera toujours un tombeau sans corps et un récit sans scène ni personnages, sans paroles ni actions‹. Aussi convient-il de se ›libérer des représentations du corps ressuscité virant au fétichisme et d’›inventer‹ ce corps ressuscité que nul n’a jamais vu ni ne verra jamais, ›dissout dans l’esprit‹ qu’il est. Tels seront les effets du génie de la foi que chaque être humain a la libre faveur de partager«, de façons très diverses grâce aux voies médiatrices que sont le culte, la théologie, la philosophie, le dogme, lui aussi, en tant qu'il demeure »une vision transformée en formule, source et témoin de la foi«.
Cette foi chrétienne se heurte à deux défis. Le premier est »le retrait accéléré de la Foi« que nous constatons depuis des décennies. Le second est l’utopie »transhumaniste« qui mise sur l’immortalité, voulant »séparer l’homme de son corps pour le réduire à son ›intelligence‹, à son ›esprit‹. Nous sommes ici dans la gnose. À l’instar des gnostiques antiques et de leurs avatars modernes, les transhumanistes proclament eux-mêmes la haine du corps«, réservant l’ immortalité qu’ils recherchent aux nantis et aux puissants. Deux défis de taille que les lecteurs de ce grand livre ne devraient pas redouter. C’est pourquoi nous souhaitons que de nombreux lecteurs s’en emparent, et que le lisent également ceux qui se présentent comme »ayant charge d’âmes« et doivent prêcher sur »les fins dernières«.