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Ausgabe:

Mai/1999

Spalte:

508–510

Kategorie:

Altes Testament

Autor/Hrsg.:

Wynn-Williams, Damian J.

Titel/Untertitel:

The State of the Pentateuch. A comparison of the approaches of M. Noth and E. Blum.

Verlag:

Berlin-New York: de Gruyter 1997. XI, 263 S. gr.8 = Beihefte zur Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft, 249. Lw. DM 168,-. ISBN 3-11-015397-1.

Rezensent:

Jean Louis Ska

Cette thèse, dirigée par A. F. Campbell, a été défendue en 1996 à Melbourne (Australie). Elle se situe dans le sillage d’autres études, comme celle de A. F. Campbell - M. A. O’Brien1 et de S. Boorer2. Ces travaux prennent la défense de l’hypothèse documentaire spécialement sous la forme qu’elle a prise dans les publications de M. Noth. Les principaux adversaires sont, comme on peut s’y attendre, R. Rendtorff et E. Blum. Dans le présent ouvrage, la comparaison entre M. Noth et E. Blum porte uniquement sur le cycle de Jacob (Gn 25,19-35,17) ce qui aurait mérité de figurer dans le sous-titre.

L’étude comporte quatre parties. Dans la première partie, l’A. expose brièvement les deux positions en présence. Dans la seconde, il discute l’analyse de Gn 25,19-33,17 proposée par M. Noth. La troisième partie - la plus longue - examine avec minutie l’exégèse que E. Blum a faite du même texte. Après ces deux longs "interrogatoires", la quatrième partie procède à une confrontation des deux positions sur quatre points essentiels: la signification de la tradition orale dans le développement de la tradition; la relation entre les méthodes utilisées par les partisans de la Traditionsgeschichte et ceux de la Literarkritik; la notion de source; la notion de "petite unité" et son rôle dans l’analyse des sources. Enfin, dans la conclusion, le "juge" prononce sa sentence, une sentence d’ailleurs plus nuancée que le reste de l’ouvrage qui prend nettement la défense de M. Noth contre les attaques de R. Rendtorff et de ses émules. L’A. montre plutôt les avantages et les inconvénients de chacun des modèles proposés et il avoue qu’il n’est pas possible, dans l’état actuel des choses, d’opter clairement pour l’un ou pour l’autre.

La présentation détaillée des positions de M. Noth et E. Blum est sans doute la partie la plus intéressante et la plus utile de cette thèse. L’explication est chaque fois précédée du texte de Gn 25,19-33,17 en traduction anglaise. Pour M. Noth, l’A. présente séparément le texte des trois sources (P, J et E) en signalant les lacunes que chacune d’entre elles peut contenir et les additions ultérieures (30-45). Pour E. Blum, l’A. donne d’abord en traduction ce que cet auteur considère comme le bloc le plus ancien du récit (85-93). Par après, il fournit tout le texte de Gn 25,19-33,17 en faisant ressortir par des caractères différents les diverses couches identifiées par E. Blum (129-143).

De la comparaison, il ressort la notion de "source" de M. Noth est plus flexible que celle de E. Blum. M. Noth, en effet, admet une grande variété de vocabulaire et même des ruptures de continuité dans chacune des sources puisque, pour lui, celles-ci sont le résultat d’un long processus de transmission au stade oral. Pour M. Noth également, il n’est pas possible de pénétrer dans ce monde de la tradition orale pour en démêler l’écheveau. M. Noth mine ainsi l’édifice qu’il a construit, car il devient difficile d’établir des critères sûrs pour distinguer les sources. Même la répétition d’un même épisode, critère par excellence pour déceler la présence de sources, peut aussi être expliquée par l’origine orale des récits. Chez R. Rendtorff et E. Blum, la conception de source est beaucoup plus rigide. Pratiquement, ils ne prennent en considération que le stade écrit, attendent de chaque source ou rédaction une grande homogénéité de vocabulaire et veulent que les liens entre chaque partie du récit soient explicites. De ce fait, leurs analyses tendent à la fragmentation. Mais l’identification des "petites unités" narratives est problématique, objecte notre A., et il n’est pas sûr que toute connexion soit secondaire ou rédactionnelle. À l’origine peuvent exister des séries ou cycles de récits et non seulement des récits isolés. C’est d’ailleurs ce que postule E. Blum pour la partie la plus ancienne de l’histoire de Jacob, si on excepte Gn 28,10-22*.

En fin de compte, aucun des critères employés par M. Noth et E. Blum n’est entièrement satisfaisant. Ni le Yahwiste de M. Noth ni l’ancienne histoire de Jacob d’E. Blum ne sont vraiment complets, même si le J de M. Noth est moins problématique. Pour E. Blum, le critère des noms divins n’est pas toujours applicable. Cependant, ce dernier néglige d’expliquer l’emploi "irrégulier" du nom YHWH en Gn 29,31-33. Le critère d’horizon narratif, proposé par E. Blum à la suite de R. Rendtorff, est lui aussi discutable. Ainsi, le texte primitif de Gn 28,10-22 est très court et sa délimitation dépend de notions préconçues sur la simplicité et l’homogénéité des récits.

Un problème particulier se pose à propos de la couche deutéronomiste d’E. Blum dont la provenance est difficile à prouver. Par conséquent, ces textes pourraient être plus anciens, tout comme le thème du retour qui en fait partie. En ce qui concerne M. Noth, c’est la couche élohiste qui fait le plus difficulté. Mais son hypothèse ne serait aucunement affectée si E devenait une série de suppléments ajoutés à J, du moins selon l’A. J’ajouterais cependant que, de cette façon, on passe du modèle des sources à celui des suppléments. Toujours est-il que le modèle de M. Noth est plus simple puisqu’il ne travaille qu’avec trois sources, tandis que E. Blum part d’un texte de base auquel se sont ajoutées sept couches rédactionnelles. Dans la pratique, cependant, le modèle de M. Noth peut se révéler hautement complexe, car certains textes sont le résultat d’un véritable enchevêtrement des sources, par exemple en Gn 31. Chez E. Blum, au contraire, le texte canonique est découpé en blocs qui ont en général leur consistance et il est très rare de rencontrer un texte découpé en versets ou demi-versets.

En ce qui concerne E. Blum, l’A. fait quatre objections majeures à son analyse. (1) Gn 32,2a peut difficilement être la conclusion d’un récit. (2) Le texte primitif de Gn 28,10-22 ne contiendrait pas d’oracle, ce qui est tout à fait exceptionnel, vu les parallèles. Ce texte est très court, peu satisfaisant et la structure proposée n’est guère convaincante. (3) E. Blum doit supposer que certaines parties de son texte primitif ont disparu pour être remplacées par des ajouts ultérieurs. C’est le cas de Gn 31,4-16, versets indispensables à la compréhension du texte et pourtant attribués à un rédacteur. (4) Gn 32,14-22 peut difficilement provenir de la même main que Gn 32,2b-9 comme le veut E. Blum. Ces objections sont assez sérieuses. À la seconde, on peut cependant répondre que s’il est normal de trouver un oracle dans une théophanie, il n’est pas dit qu’il faille trouver celui qui fait à présent partie du texte (28,13-15). De plus, pourquoi Jacob ne se souvient-il pas de l’oracle à son réveil (R. Rendtorff et E. Blum)? Et pourquoi 28,13-15 ne contient-il aucune allusion au vocabulaire des versets précédents, par exemple au "lieu"? La brièveté du texte ne doit pas surprendre.3 Quant à Gn 32,14-22, il me semble que nous avons un cas typique d’ajout rédactionnel signalé par une "reprise" (32,14 et 32,22). Enfin, le J de M. Noth raconte le retour de Jacob dans des termes différents de ceux de Gn 28,15. Pourquoi?

Malgré quelques répétitions et lieux communs (habituels dans les thèses), cet ouvrage est instructif. L’A. défend volontiers les idées de son directeur, A. F. Campbell, mais il n’est pas servile. Il s’appuie également beaucoup sur un article de S. McEvenue ("A Return to Sources in Genesis 28,10-22?", ZAW 106 [1994] 375-389). L’ouvrage ne fait peut-être pas beaucoup avancer la recherche, mais il a le mérite d’avoir éclairci la situation. Pour aller plus loin, il aurait sans doute fallu élargir l’enquête. D. Carr, par exemple, étudie tout le livre de la Genèse et propose une réflexion méthodologique exemplaire.4 Il aurait été utile d’utiliser les travaux de J. Tigay sur l’épopée de Gilgamesh ou les études récentes sur la formation des scribes et l’apparition de textes écrits en Israël (D. W. Jamieson-Drake, A. Lemaire, M. Haran). Somme toute, l’hypothèse de R. Rendtorff et d’E. Blum qui voit à l’origine des textes du Pentateuque plutôt des récits isolés ou - plus probablement - des cycles de récits, repose sur des bases assez solides. Toutefois, comme l’admettait M. Noth, il faut sans doute aussi avouer qu’il n’est pas possible de tout expliquer.

Fussnoten:

1) Sources of the Pentateuch: Texts, Introductions, Annotations. Minneapolis, MN 1993.

2) The Promise of the Land as Oath: A Key to the Formation of the Pentateuch. BZAW 205. Berlin-New York 1992.

3) Voir A. F. Campbell, "The Teported Story: Midway between Oral Performance and Literary Art", Semeia 46, 1989, 77-85, un article que l’A. doit connaître.

4) Reading the Fractures of Genesis. Historical and Literary Approaches. Louisville, KY 1996.