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Ausgabe:

Juli/August/2013

Spalte:

810–812

Kategorie:

Neues Testament

Autor/Hrsg.:

Geffré, Claude

Titel/Untertitel:

Le Christianisme comme religion de l’Évangile.

Verlag:

Paris: Les Èditions du Cerf 2012. 358 S. = Theologies. Kart. EUR 29,00. ISBN 978-2-204-09837-3.

Rezensent:

Jean Riaud

Depuis Vatican II, l’Église dialogue volontiers avec les religions non chrétiennes, ce qui est une nouveauté qui coïncide avec notre âge planétaire. Cette ouverture aux autres traditions n’a pas manqué d’attirer l’attention des théologiens qui ont pris conscience que, s’il leur revient de confesser leur foi chrétienne, ils ne peuvent plus le faire en ignorant la foi des autres. Des théologiens contemporains, Claude Geffré est, sans nul doute, l’un des premiers à en avoir pris conscience et à être entré en dialogue avec les autres religions, et ce, avec une compétence reconnue par ses pairs. Les études réunies dans le présent volume en sont la preuve. Elles sont regroupées sous deux titres: La différence chrétienne; Le christianisme et l’avenir de la religion.
Pouvons-nous confesser Jésus-Christ comme l’unique Sauveur du monde, et en même temps admettre, reconnaître une valeur salutaire aux autres religions? G. répond à cette question en prenant appui sur le numéro 2 de la déclaration Nostra aetate de Vatican II. Selon lui, le Christ est la voie qui nous conduit au Dieu qui fait grâce. C’est une voie universelle, mais, tout en nous gardant de compromettre l’unicité de cette médiation, nous pouvons affirmer que »les autres religions peuvent exercer un rôle médiateur dans le salut pour autant qu’elles sont porteuses de la présence cachée du mystère du Christ«, comme cela est affirmé dans Ad Gentes n° 3: »Le dessein salvifique de Dieu se réalise également par les actes reli-gieux par lesquels, de diverses manières, les hommes cherchent Dieu«. Aussi pouvons-nous tenir avec notre auteur que »si beaucoup d’hommes et de femmes sont sauvés en Jésus-Christ, ce n’est pas en dépit de leur appartenance à telle tradition religieuse, mais en elle et à travers elle«.
Cette contribution, »Jésus-Christ unique sauveur du monde«, cœur de la première partie, constitue une sorte de guide de lecture des huit contributions qu’elle rassemble. Parier pour le christia-nisme comme religion d’avenir n’est pas téméraire, car il y a, comme le montre excellemment, G., une réelle complicité entre le chris­tianisme »comme religion de l’Évangile« et l’humain authentique. Ce qui fait son originalité parmi les religions du monde, »c’est le paradoxe de l’incarnation, l’avènement de Dieu dans l’histoire, l’inauguration la plus radicale d’un pacte d’amitié entre Dieu et l’homme. D’où sa responsabilité dans trois directions: la recherche et la promotion de l’humain authentique; une culture de l’amour; une justice écologique.
Bien qu’il soit différent des autres religions, et unique en son genre, le christianisme ne peut pas prétendre rassembler toutes les richesses d’ordre religieux. Il est essentiellement et doit être »une religion dialogale«. G. précise avec clarté en quel sens »nous pouvons caratériser le christianisme comme religion dialogale: ce n’est pas au nom d’une obligation morale qui serait faite de tolérance et de respect pour les autres, mais au nom de ses propres principes de limitation comme religion d’incarnation. Selon notre manière im­parfaite de connaître, Jésus n’est pas encore la traduction adéquate de Dieu. Ainsi, l’identification de Dieu en Jésus n’est pas exclusive d’autres expériences religieuses qui identifient autrement la Réalité dernière de l’univers.« Autrement dit: le paradoxe de l’incarnation comme manifestation relative de l’Absolu inconditionnel de Dieu nous aide à comprendre que l’unicité de Jésus-Christ n’est pas exclusive d’autres manifestations de Dieu dans l’his­toire. C’est pourquoi le christianisme se garde d’exercer une sorte d’impérialisme à l’égard des autres religions et se définit comme une religion essentiellement dialogale. Ce qui apparaît, en dépit des difficultés qui lui sont propres, dans le dialogue islamo-chrétien.
Dans la seconde partie de l’ouvrage, G. s’interroge sur l’avenir et les atouts du christianisme en notre temps. Dans la première contribution, sa vision se concentre dans trois directions: un Dieu ami des hommes; un Dieu antidestin; un Dieu caché faible et souffrant. Dans la seconde qui relève l’ambiguïté profonde de l’histoire présente sous le signe de la mondialisation, notre attention est invitée à prendre conscience de la contribution du christianisme à l’émergence d’un autre monde possible, les chrétiens prenant des initia-tives sous la force attractive de l’Évangile, et pas seulement eux seuls, car c’est la reponsabilté des trois grandes religions monothéistes de faire la preuve qu’il n’y a pas de contradiction fatale entre la quête d’un Dieu personnel et le respect de l’humain véritable. C’est ainsi, précise notre auteur, que l’islam et le christianisme peuvent être des instances de sagesse en vue de maintenir une certaine qualité de cet humain véritable. Aussi invite-t-il non seulement ceux qui se réclament de la foi chrétienne mais tous ceux qui s’interrogent sur le devenir de notre civilisation à »lutter par tous les mo-yens contre tout ce qui défigure le corps humain, que ce soit par sa réduction à un objet de consommation ou par une violence ab-surde ou criminelle.« Bref, nous sommes appelés à sauver le bonheur humain, convaicus que nous devons être que l’humanisme des droits de l’homme a besoin d’être stimulé et fécondé par l’humanisme évangélique dans le sens de l’amour gratuit du pardon et de la mémoire des victimes.
Dans le contexte planétaire du XXIe siècle et d’un imanentisme généralisé des sciences moderne, G. ose parier pour l’avenir de la religion chrétienne dont il a fort bien mis en valeur la singularité dans le concert des religions du monde. Nous ne saurions trop le remercier de si bien honorer l’originalité du christianisme et le pluralisme religieux et de nous encourager à suivre la voie qu’il a tracée en entrant résolument en dialogue avec les autres religions.