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Ausgabe:

März/2012

Spalte:

301–303

Kategorie:

Neues Testament

Autor/Hrsg.:

Wedderburn, Alexander J. M.

Titel/Untertitel:

Jesus and the Historians.

Verlag:

Tübingen: Mohr Siebeck 2010. XI, 383 S. 23,2 x 15,5 cm = Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament, 269. Lw. EUR 99,00. ISBN 978-3-16-150708-3.

Rezensent:

Armand Puig i Tàrrech

Cet ouvrage est un essai exégétique qui veut entamer un dialogue critique avec la recherche actuelle consacrée au Jésus historique. Certes, ce n’est pas une »lettre de bataille« mais l’A. n’hésite pas à montrer ses préférences mais aussi ses preventions contre les positions des auteurs qu’il traite. Par une écriture élaborée, il veut montrer les points faibles des positions exégétiques que l’on considère conservatrices ou douteuses moyennant de longs circumloques et de nombreux points d’interrogation – même avec quelques ironies de nette souche écossaise. Il aime bien soulever des questions que l’on aurait passé sous silence au cours de la recherche et découvrir leurs implications en ce qui concerne l’interprétation de la figure de Jésus dans la production récente. L’A. est convaincu qu’il faut poser les questions sur l’étude historique de Jésus de façon plus critique, sans écarter les conséquences qu’elles pourraient avoir dans le domaine de la christologie.
Les neuf chapitres du livre se subdivisent en trois parties, facilement identifiables: l’historiographie (chapitres 1–4), la tradition de Jésus et sa transmission (chapitres 5–7) et la question de l’autocon­science de Jésus (chapitre 8). On termine par un bref »Christological Epilogue« (chapitre 9) (324–329). L’ouvrage s’achève par une bibliographie très riche, qui montre la densité profonde de la recherche menée par l’A. (331–363). Les index des sources principales (365–372), d’auteurs modernes (373–379) et de sujets (381–383) complètent l’édition.
L’A. a choisi six auteurs contemporains (N. T. Wright, J. Schröter, E. Schüssler Fiorenza, J. D. G. Dunn, D. L. Denton et S. McKnight) pour se poser la question de l’histoire (1–56). En prenant appui sur Ricœur, il avertit qu’il faut distinguer entre recherche des documents, leur compréhension et l’élaboration du récit qui va raconter la perception et l’interprétation que l’historien fait du passé. La prémisse est claire: on n’a pas accés au passé (»the past is no longer at our disposal«) (1, n. 2). Or, on doit expliciter et vérifier le status epistémologique de la recherche qu’on réalise – tout comme le »critical real­ism« dont se sert Wright. En tout cas, l’A. partage la critique de Dunn à la »grande narrative« proposée par Wright, d’après lequel Jésus aurait proclamé le nouvel exode et le retour d’Israël de l’exile. D’autre part, on reproche à Dunn – qui est, par ailleurs, l’exégète le plus cité par l’A. – le fait qu’il souligne l’homogénéité de la tradition synoptique en méconnaisant, d’après l’A., les différentes interprétations que reçoit la personne de Jésus. Celles-ci, accompagnées de tensions évidentes, auraient laissé des traces précises dans les textes du Nouveau Testament. L’A. se demande donc dans quelle mesure la tradition de Jésus correspond à ce que Meier appelle le Jésus »réel«: »how far those memories correspond to a past reality« (49). Contrairement à Dunn, sa réponse est pleine d’incertitudes. Mais c’est J. Schröter qui mérite une attention de plus près (13–32). L’A. accepte les propos de Schröter sur l’impossibilité d’accéder à Jésus au delà de la confession de foi chrétienne et reconstruire son passé. Mais il se montre tout à fait sceptique sur la notion de »construction de l’histoire« et se demande comment peut-on prétendre justifier de façon rationnelle l’histoire sans passer par les sources historiques. L’A. conclut que les propos de Schröter n’aboutissent pas à une nouvelle epistémologie et que l’on en reste sur les chemins déjà acquis par la recherche.
Les chapitres 2 (57–79) et 3 (81–92) sont consacrés, respectivement, à l’historiographie de la »Old Quest«, concrètement à A. Schweitzer et à E. Troeltsch, et à la »New Quest«. L’A. soutient, avec J. M. Robinson, la base existentialiste de la »New Quest« et, par conséquent, le »common factor« (82, n. 10) de Bultmann et ses disciples. L’histoire reste pour eux un événement dans le temps. Il s’agit donc de concevoir les faits et les paroles de Jésus comme une compréhension de l’existence. Quand-même, pour l’A. cette compréhension de l’historiographie aboutit à une perspective limitée de la tâche de l’historien. Notons que l’A. ne discute pas la position commune qui exclut Bultmann de la »New Quest« et fait initier celle-ci en 1953 avec ses disciples, surtout Käsemann. Il souligne plutôt, avec Kümmel, les ressemblances avec leur maître.
Le chapitre 4 (93–143) traite de la »Third Quest« sous le titre »A New View of History and Historiography?«. Le point d’interrogation, comme il est habituel dans le livre, indique une réponse négative. L’A. constate le caractère heterogène de la »Third Quest« et ensuite il met en question l’existence d’une historiographie postmoderne. Après une longue discussion plutôt théorique, éloignée du discours exégétique, il concède en tout cas que le »new historicism« a contribué à souligner les facteurs qui peuvent influencer le jugement des historiens et les conditions qui relativisent les résultats de leur recherche (140).
La méthode du soupçon (»scepticism and suspicion«) (215) face à quelques présupposés et résultats de la »Third Quest« accompagne l’auteur dans les chapitres 5 (la tradition de Jésus: sources et critères d’historicité) (145–187), 6 (la mémoire: individuelle et collective) (189–223) et 7 (l’oralité: tradition orale, Q, Mc) (225–273). Comme dans le reste du livre, on s’exprime de façon fondée mais parfois ex abundantia cordis. Les questions se succèdent l’une après l’autre, et elles sont présentées à travers des observations souvent très justes. Quand-même, et de façón génerale, on pourrait appliquer à l’A. ce qu’il repproche à d’autres: conclure avec ce que qui est l’opinion commune et partagée. La raison de cette démarche est qu’il traite souvent les thèmes non par eux mêmes mais à travers les auteurs avec lesquels il discute. Il donne donc son opinion entre lignes, tout au long de la discussion qu’il ouvre avec eux. D’autre part, l’A. réussit à faire dialoguer les exégètes entre eux de façon convaincante, toujours dans le cadre d’une vision restrictive des questions.
Prenons quelques exemples. Après avoir examiné les critères de dissimilitude, cohérence et attestation multiple, l’A. conclut que, même si ces critères peuvent nous garantir comme authentiques une petite quantité de matériaux (dits, épisodes et motifs), ils ne peuvent pas nous fournir un explication globale (»an overall account«) (171) du ministère de Jésus. Cette affirmation, de style bultmannien, se compléte par une explication de la nature des évangiles conçus comme »cadre doctrinal« pour éviter le mauvais emploie (»misuse«) (186) d’éléments isolés de la vie de Jésus. Même, dans le thème de la mémoire, une discussion poussée finit par une conclusion trop pauvre: il faut se méfier de l’optimisme de ceux qui croient que la mémoire est une garantie de continuité entre Jésus et les évangiles (215).
On consacre à la question christologique le chapitre 8 (276–321), et c’est ici que l’A. dessine sa propre théologie. En effet, il a souvent averti dans son ouvrage de séparer soigneusement la méthode historique du dogme, la théologie de l’histoire. Je me demande si cette position, typique de la »Old Quest«, n’est pas elle-même une premisse d’ordre théologique. Je me le demande également à propos de la séparation tranchante que l’A. veut établir entre les Synoptiques et le Quatrième Évangile. Peut-il y avoir une approche historique aux textes sans une précompréhension à l’intérieur de laquelle agit la confession de foi? Bultmann nous a appris quelque chose là-dessus.