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Ausgabe:

November/2011

Spalte:

1147-1149

Kategorie:

Judaistik

Autor/Hrsg.:

Hayward, C. T. Robert

Titel/Untertitel:

Targums and the Transmission of Scripture into Judaism and Christianity.

Verlag:

Leiden-Boston: Brill 2010. XV, 432 S. gr.8° = Studies in the Aramaic Interpretation of Scripture, 10. Geb. EUR 135,00. ISBN 978-90-04-17956-1.

Rezensent:

Thierry Legrand

L’ouvrage du professeur Robert Hayward rassemble 17 articles publiés dans les années quatre-vingt-dix dans des revues scientifiques ou des ouvrages collectifs; deux nouvelles contributions viennent compléter cet ensemble déjà très riche. L’essentiel des recherches de l’auteur porte sur la littérature targumique du Pentateuque interprétée dans le contexte des traditions rabbiniques. Quelques études concernent également les écrits apocryphes ou pseudépigraphiques, Philon et les commentaires de Jérôme. Les contributions sont regroupées sous quatre chapitres: 1. Représentations targumiques de figures bibliques; 2. datation du Targum Pseudo-Jonathan; 3. Saint Jérôme et les traditions juives; 4. le thème du Temple dans les targumim. Nous donnerons un aperçu des thèmes et des enjeux de chacune des sections en présentant brièvement quelques-unes des contributions.
La première section (3–105) rassemble six articles qui explicitent le traitement des grandes figures biblique de l’Ancien Testament (Adam, Melkisédeq/Sem, Abraham, Isaac, Ésaü et Balaam) dans les targumim du Pentateuque. H. s’intéresse aux procédés exégétiques utilisés, au traitement des sources anciennes dans les targumim, et aux parallèles qu’il est possible de relever entre cette littérature, les sources juives anciennes (Philon, les écrits rabbiniques, etc.) et les écrits chrétiens. Dans une première étude consacrée à Melkisédeq (3–16), H. montre comment ce personnage a été associé à Sem, le fils de Noé, considéré comme une figure sacerdotale et un grand sage dans les targumim du Pentateuque et d’autres sources juives. D’après H., cette identification ancienne n’a aucun lien avec une quelconque polémique antichrétienne, elle n’est pas non plus le résultat d’une influence des traditions chrétiennes sur le développement des traditions targumiques et rabbiniques (voir également les conclusions de l’étude centrée sur l’Aqédah et les récits de la Passion, 72–87). Une contribution sur les oracles de Balaam dans l’œuvre de Philon d’Alexandrie (35–52) permet à H. de mettre en évidence le travail exégétique de Philon et son intérêt pour le développement des thèmes messianiques. Les nombreuses parentés qui subsistent entre les exégèses de Philon et les interprétations targumiques laissent penser que Philon avait connaissance des traditions juives qui seront consignées plus tard dans les différentes recensions targumiques du Pentateuque. Dans une quatrième étude, H. se concentre sur la figure d’Adam telle qu’elle est présentée dans le Livre des Antiquités bibliques (ou Pseudo-Philon, LAB), un écrit daté du Ier siècle de notre ère. H. y analyse les passages qui évoquent Adam (LAB 13,8–9; 26,6; 32,15; 37,3) et montre comment le rédacteur du LAB connaît et utilise des traditions juives anciennes (Jubilés, les targumim, etc.) tout en se démarquant de celles-ci sur de nombreux points (»… LAB appears not simply as a transmitter, but also as a moulder of tradition material.« – 71).
La 2e section présente une série de sept études, publiées à quelques années de distance, sur la datation du Targum Pseudo-Jonathan. H. offre une analyse détaillée de plusieurs interprétations targumiques (Gn 27 et 35; Nb 6 et 19) et de quelques figures bibliques (Eliézer, Nemrod) qui lui permettent de plaider – à l’opposé d’autres spécialistes des targumim –, pour une datation nettement préislamique du Targum Pseudo-Jonathan. L’essentiel des traditions de cette recension targumique aurait été formulée entre la fin du IVe s. et le début du Ve s. de notre ère, mais des matériaux beaucoup plus anciens, peut-être préchrétiens, étaient connus du ou des rédacteurs de ce targum développé. Dans ce travail patient d’analyse des textes et des traditions, on soulignera l’attention portée par H. à la comparaison du Pseudo-Jonathan avec le texte des Pirqe de Rabbi Eliézer (PRE) – midrash composite considéré comme tardif (VIIIe s.?). H. y consacre une longue étude (172–209) qui souligne la fragilité de la thèse selon laquelle le Targum Pseudo-Jonathan serait dépendant de PRE. Au passage, il insiste sur la prudence qui doit guider le chercheur lorsqu’il entreprend la comparaison de textes anciens (207–209).
Dans une 3e partie, quittant pour un temps le strict domaine des sources juives anciennes, H. s’intéresse aux commentaires bibliques de Jérôme (env. 347–420), fin connaisseur des traditions juives qui circulaient en son temps. Un premier article, consacré au commentaire du prophète Jérémie (281–299), met en évidence les parentés des exégèses de Jérôme avec celles que l’on peut lire dans le Targum Jonathan ou dans d’autres traditions aggadiques tardives (cf. 299). Ces affinités ne peuvent s’expliquer que si l’on considère que Jérôme avait connaissance de ces traditions, de manière directe ou indirecte. Ceci revêt par ailleurs une importance considérable pour la datation de plusieurs traditions juives. Le second article (300–317) s’intéresse à quelques passages des commentaires de Jérôme sur Zacharie, Malachie et Nahum, des commentaires rédigés à la fin du IV e s. ou au début du Ve s. Ces exégèses témoignent d’une bonne connaissance des traditions juives transmises dans les targumim des prophètes. Ainsi, les écrits de Jérôme rassemblent des traditions exégétiques anciennes qui permettent de reconstruire, au moins partiellement, l’histoire de la transmission des traditions targumiques dans les premiers siècles de notre ère (cf. 317). La dernière contribution de cette section porte sur les Questions hébraïques sur la Genèse de Jérôme; elle souligne les parentés entre les méthodes exégétiques de Jérôme et les procédés utilisés dans les écrits rabbiniques, et plus particulièrement les traditions targumiques dont il semble s’inspirer. Elle témoigne également d’une certaine complicité de Jérôme avec les maîtres de la Torah qu’il a pu fréquenter à son époque.
La section finale de cet ouvrage rassemble trois contributions qui soulignent l’importance de la thématique du Temple et du sacerdoce dans la Sagesse de Ben Sira et les traditions targumiques. Une première étude (341–360) se concentre sur l’éloge de la Sagesse (Si 24) et relève l’importance accordée par l’auteur au Temple de Jérusalem comme authentique lieu de résidence de la Sagesse éternelle. Un second article, inédit, s’intéresse principalement à l’étude de Gn 3,18–19 et ce qui distingue les humains des animaux (nourriture, vêtement, langage, etc.) dans les traditions juives anciennes. H. montre la subtilité des liens qui se tissent entre le texte biblique et les interprétations plus tardives: Jubilés 3 et les recensions targumiques de Gn 3,18–19 et 3,24. Au passage, il aborde plusieurs thématiques liées aux vêtements sacerdotaux, au Temple et à l’étude de la Torah. Dans une contribution finale, H. s’attache à préciser la figure de Melkisédeq telle qu’elle apparaît dans le Talmud babylonien, les midrashim et les targumim. De manière quasi unanime, ces sources donnent à Melkisédeq le statut de grand prêtre du sanctuaire de Jérusalem (399); il est un modèle de piété présenté dans le prolongement des grands personnages de la Genèse.
À travers cet ensemble d’études d’une qualité scientifique remarquable, on perçoit l’intérêt de H. pour trois thèmes qui sous-tendent la plupart de ses recherches: la trajectoire des thèmes bibliques, de la Torah écrite à la Torah orale, en passant par les interprétations du christianisme ancien; l’importance et l’ancienneté des traditions targumiques véhiculées par le Targum Pseudo-Jonathan; la place centrale accordée au Temple dans les traditions juives, même après la chute de Jérusalem en 70 de notre ère. Dans ce parcours d’une grande cohérence, on aurait souhaité davantage de références et de rapprochement avec les manuscrits de la mer Morte, mais il s’agit là d’un autre champ immense. L’ouvrage de H. constitue en lui-même un réservoir d’études sérieuses qui permettent d’éclairer avantageusement les questions liées à la transmission de l’Écriture au tournant de notre ère et dans les siècles qui suivirent.