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Ausgabe:

Oktober/2011

Spalte:

1050-1053

Kategorie:

Neues Testament

Autor/Hrsg.:

Vouga, François, et Jean-François Favre

Titel/Untertitel:

Pâques ou rien. La Résurrection au cœur du Nouveau Testament.

Verlag:

Genève: Labor et Fides 2010. 375 S. gr.8° = Essais bibliques, 45. Kart. EUR 35,00. ISBN 978-2-8309-1364-4.

Rezensent:

Jean Riaud

Un certain consensus existe sur la valeur universelle de l’enseignement de Jésus et sur le patrimoine commun qu’il représente pour la civilisation occidentale. En revanche la proclamation de la résurrection paraît réservée au cercle restreint des croyants convaincus. C’est ce constat qui est à l’origine de ce livre au titre hautement significatif, œuvre de deux auteurs, l’un exégète, l’autre peintre et historien de l’art. L’interrogation qui dirige leur parcours porte uniquement sur la compréhension de la vérité que les textes du Nouveau Testament transmettent de l’événement de Pâques. L’intérêt qui dirige leur lecture, le plus souvent accompagnée par le regard des peintres, porte sur le sens qu’ils donnent à la résurrection de Jésus.
L’itinéraire qui nous est proposé dans la première partie, L’annonce de l’Évangile de Pâques, comporte quatre chapitres. Il commence par l’interprétation de l’annonce de Pâques, objet du bref récit que Marc consacre à non pas à la Résurrection elle-même, mais à la bonne nouvelle que Jésus de Nazareth, le Crucifié, est ressuscité – et l’appel à croire qu’elle implique (Mc 16,1–18). L’évangéliste ne comprend ni ne présente la résurrection de Jésus comme un phénomène surnaturel qui viendrait interrompre le cours de la banalité quotidienne. Elle est bien plutôt la révélation d’une transcendance qui prend corps dans l’immanence et l’oriente. Visiblement, comme le montre excellemment J.-F. Favre, c’est l’évangile de Marc qui a inspiré un collaborateur de Fra Angelico.
Matthieu poursuit la réflexion engagée par Marc: il transforme la visite des femmes au tombeau en une manifestation de la victoire de Dieu sur la mort (Mt 28,1–20). C’est ce qu’a fort bien perçu le Greco. Il a imaginé de placer les gardes postés par Pilate devant la tombe en présence de Jésus régnant dans sa majesté. Ce faisant, il oriente notre regard sur l’essentiel de la vision matthéenne: l’affirmation d’une seigneurie qui a reçu tout pouvoir au ciel et sur la terre.
Avec le troisième chapitre, nous quittons les évangiles pour le rappel que Paul fait de l’annonce de l’Évangile à Corinthe. Pour l’Apôtre et pour l’humanité tout entière, la »croix« désigne la signification que prend la révélation par laquelle Dieu a fait voir Jésus, le Crucifié, comme son Fils (Ga 1,12.16). Aussi, comme le montre fort bien l’exégèse de I Co 1,17–25, conduite par F. Vouga, la »parole de la croix« n’est-elle pas l’annonce de la mort de Jésus, mais la proclamation de la résurrection de celui qui est devenu par elle, le Crucifié. Il appartient à la signification réelle de cette »parole de la croix« d’être nécessairement et à la fois folie et puissance de Dieu. La lo­-gique de la croix fait culbuter les ordres du monde: le sens de la sagesse de Dieu ne réside pas dans la poursuite, chanceuse ou dés­-espérée, des idéaux de perfection, mais dans l’accueil paisible de ses dons. Elle consiste à remplir de ses bienfaits ceux qui mettent en lui leur confiance (I Co 1,21).
Avec la nouvelle d’Emmaüs, nous avons une variation littéraire originale et unique en son genre des apparitions du Ressuscité, les éléments qu’elle combine étant en grande partie des motifs que l’on retrouve dans d’autres scènes pascales: présence inopinée de Jésus; difficulté de ses compagnons et de ses compagnes à le reconnaître; retrouvailles lors du repas. En effet, les disciples ne voient pas Jésus tant qu’il est visiblement là; le Ressuscité disparaît de leur vue à l’instant où ils le voient; une fois absent, sa présence les accompagne jusqu’à Jérusalem. La nouvelle est construite sur un double paradoxe: la présence de Jésus ressuscité ne devient réelle qu’à condition de demeurer ou de devenir invisible pour les yeux de ceux qui le rencontrent. Les yeux qui, sur la route d’Emmaüs, contraints, au passif, de pas le reconnaître (Lc 24,16), sont ensuite ouverts, une seconde fois au passif (Lc 24,31). Le sens du paradoxe apparaît très clairement: le sens de l’Évangile de Pâques n’est pas de fêter les retrouvailles d’un »vieux copain« qui serait miraculeusement réapparu. Il est d’annoncer ce lui qui est désormais le vivant comme présence universelle de transcendance. Ce que Rembrandt a su faire voir dans Les Pélerins d’Emmaüs par un jeu de couleurs qui est révélation, dans et par la matière, de la Lumière.
La deuxième partie, Les évangiles, récits de Pâques, traite le rapport de l’annonce de Pâques avec ce qui, dans les évangiles, la précède. D’où la question: en quoi consiste l’unité du message pascal avec l’enseignement de Jésus, et qu’est-ce qui en constitue la cohérence? Pour répondre à cette question, nous sommes conduits à relire les évangiles comme des récits de l’événement qui les fonde: comme des récits de Pâques. Les auteurs qui reconnaissent qu’il faudrait un commentaire de l’ensemble des évangiles pour montrer que, lorsqu’ils racontent Jésus, ce sont les actes et les paroles du Ressuscité qu’ils rendent contemporains, retiennent les récits de la nativité (Mt 1–2 et Lc 1–2) et la scène de la Transfiguration (Mc 9,1–13). Bien qu’ils n’aient que peu de points communs, le nom des personnages principaux (Marie, Joseph et l’enfant, le lieu de naissance), ces récits ont la même signification: présenter la venue du Ressuscité dans le monde. Quant à la scène de la Transfiguration, elle interrompt en son milieu le fil dramatique des trois premiers évangiles, les surplombant d’une apparition du Ressuscité qui précède son arrivée à Jérusalem, sa Passion et sa mort. La lumière de la paille de Jean Bazaine fait voir la signification que Matthieu et Luc donnent à Noël, et Fra Angelico avec la Transfiguration fait voir l’invisible dans la réalité.
La troisième partie, Pâques dans la vie quotidienne, répond à cette question: si l’événement de Pâques se révèle comme fondateur, que transforme-t-il et quelles sont son actualité et sa vérité? La première affirmation fondamentale est celle de Paul selon laquelle la Résurrection de Jésus est privée de sens s’il n’y a pas de résurrection des morts (1 Co 15,12–28). Pour l’Apôtre, Pâques ne peut être compris que comme l’événement fondateur de la confiance croyante et de la certitude en un renouvellement et en un achèvement universel de la création (1 Co 15,35–38).
Cette affirmation de l’actualité de la Résurrection pose la question des raisons de la possibilité de croire. Qu’est-ce qui permet de croire et comment croire? Les premiers récits de Pâques de l’évangile de Jean (Jn 20,1–31) traitent cette difficulté. La réponse qu’ils proposent à travers les figures de Marie de Magdala, du disciple que Jésus aimait et de Thomas renonce à toute preuve, car fournir les preuves de la transcendance reviendrait à la réduire aux dimensions de l’immanence. Elle témoigne au contraire du paradoxe qui est apparu le matin de Pâques, celui de sa présence, invisible pour qui ne voit pas, au sein même de l’immanence. Fra Angelico impose magnifiquement, dans Noli me tangere, son commentaire du dialogue par lequel Jésus se révèle à Marie de Magdala, une claire distinction entre ce qui est visible et ce dont le visuel est le signe, et Duccio avec L’incrédulité de Thomas révèle la pertinence universelle du doute de Thomas et de la promesse que lui fait Jésus.
L’accueil d’une présence de la transcendance dans le quotidien pourrait-il n’être qu’un fruit de l’imagination? En donnant des signes de la matérialité de la Résurrection, Luc (24,36–43) et Jean (21,1–25) insistent sur sa réalité: Jésus s’attable avec ses disciples ou leur offre à déjeuner. Le message est clair: le Seigneur, éternellement présent, bien que visiblement absent, et qui accompagne et précède l’humanité jusqu’à la fin des temps, est apparu aux disciples en chair et en os.
La quatrième partie, la plus brève, propose une réponse à la question, Comment dire Pâques? Le message pascal étant l’événement fondateur de la foi chrétienne, on devrait pouvoir s’attendre à un foisonnement de témoignages. Les premières communautés chrétiennes auraient pu nous laisser une pléiade de documents. Or il n’en est pas ainsi, car la question à laquelle Paul et les évangiles répondent n’est pas: »que s’est-il passé?«, mais »comment dire l’indicible?« Ce qui est fait dans des textes élaborés se rattachant à des genres littéraires bien définis: les confessions de foi et les hymnes; les réflexions autobiographiques dans lesquelles Paul fait référence aux visions ou à la révélation dont il a été le destinataire; les récits d’apparitions du Ressuscité; le pélérinage au tombeau vide. Les premiers témoins lorsqu’ils proclament qu’ils ont vu le Seigneur, emploient trois images dont le propos n’est pas de décrire l’événement, mais d’en rendre compréhensible le sens. Ils déclarent que Jésus a été »réveillé« d’entre les morts, qu’il s’est »relevé« ou que Dieu l’a »élévé« dans la gloire. Le Christ en majesté de l’église romane de Taül en est une belle illustration.
La cinquième partie, La réalité de Pâques, l’incarnation, fait prendre conscience que penser la Résurrection oblige à repenser la signification de la personne de Jésus en suivant Paul et l’évangile de Jean qui ont répondu à cette question: que change Pâques à la perception de la réalité? La réponse à cette question les a conduit à imaginer et à penser la notion d’incarnation. Ce que font Paul en Rm 8,3; 2,2; Co 5,21 et Ga 3,13, et l’évangile de Jean qui présente Jésus comme le Logos, la parole créatrice de Dieu faite chair (Jn 1,1–18). Paul a saisi la transformation du regard qu’effectue l’annonce de Pâques: la transcendance ne se présente pas comme un dépassement du réel qui en soit en est le couronnement, mais comme la présence d’une puissance de gratuité et de reconnaissance, qui se manifeste dans la finitude, dans le temps et dans la matérialité du quotidien. La confession de l’incarnation, dont l’évangile de Jean se fait le porte-parole, ne s’ajoute pas à la foi en la Résurrection, mais elle en est l’expression, parce qu’elle en est la conséquence nécessaire et immédiate. Jn 1,1–18 est un cantique de Pâques. Ce que font voir et apparaître la série des Montagne de Sainte-Victoire de Paul Cézanne, à savoir dans la présence de la montagne et dans la matérialité de la roche, la transcendance de l’éternité, comme également les trente Cathédrale de Rouen de Monet.
Un Envoi qui rappelle que la compréhension et la présentation de l’ensemble de la foi chrétienne partent nécessairement de l’affirmation: »il est vraiment ressuscité«, constitue la conclusion de cet ouvrage dont les auteurs ont su admirablement laisser parler les textes, par la lecture et la peinture.