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Ausgabe:

Oktober/2011

Spalte:

1039-1040

Kategorie:

Neues Testament

Autor/Hrsg.:

De Carlo, Franco

Titel/Untertitel:

»Dio mio, Dio mio, perché mi hai abbandonato?« (Mc 15,34). I Salmi nel racconto della passione di Gesù secondo Marco.

Verlag:

Rom: Gregorian Biblical Press 2009. 483 S. m. Tab. 8° = Analecta Biblica, 179. Kart. EUR 35,00. ISBN 978-88-7653-179-8.

Rezensent:

Elena Di Pede

Cette étude est le fruit d’une recherche doctorale dirigée par le professeur Aletti et défendue à l’Institut Biblique Pontifical de Rome en juin 2008. Loin de s’attacher au travail rédactionnel qui sous-tend le récit de la Passion chez Mc, un champ de recherche déjà abondamment exploré par les exégètes, l’auteur met à plat le texte de Mc 14,1–16,8 pour »chercher à comprendre comment le narrateur se sert de la dynamique de certains Psaumes pour raconter les dernières heures de vie du protagoniste, point d’arrivée et de départ pour la communauté croyante qui adopte l’évangile de Marc comme texte de foi« (7).
L’étude ne se penche pas seulement sur les reprises de termes ou d’expressions du Psautier mais s’attache également aux thématiques, aux allusions et aux motifs psalmiques dont le narrateur a usé pour construire et étayer sa trame narrative. Les rapprochements se fondent d’abord sur les mots communs, surtout avec le psautier LXX, pour ensuite s’étendre aux thèmes puis aux motifs. Si de temps à autre les rapprochements peuvent sembler ténus, comme l’auteur le reconnaît lui-même (par ex. 190), l’opération n’en demeure pas moins convaincante. Car c’est probablement là sa plus grande originalité: il ne se limite pas à une collation de références de citations mais montre à quel point le renvoi à certains psaumes LXX (21.37 et 43, bien sûr, mais aussi 9.12.14.30.34.36–43.54.68.70.87–88.93.101.108–109.139 et 141–142) détermine une stratégie narrative bien particulière qui amène le lecteur à suivre l’itinéraire de Jésus dans sa passion pour découvrir pas à pas son identité et son rapport privilégié à Dieu.
Les psaumes, relus dans une sorte de fidélité créatrice par le récit de Mc, deviennent une sorte de caisse de résonnance de l’histoire de cet homme juste qui se révèlera être »fils de Dieu« (cf. la parole du centurion en Mc 15,39, climax christologique de Mc): il est à la fois le juste opprimé mis en scène par les Psaumes, mais il est aussi bien plus que cela. En effet, contrairement au psalmiste, Jésus est donné et à la fois se donne librement à Dieu et à ceux qui l’oppriment. Ainsi, le verbe παραδίδωμι clé d’une herméneutique pour la compréhension tant du récit de la passion que de l’ensemble de l’évangile: ce qui sous-tend cet ensemble est une question d’ordre théologique pour le lecteur, une question qui concerne l’identité de Jésus en tant que Fils d’une part, et qui interroge Dieu lui-même d’autre part. Point d’aboutissement du récit, cette question de Jésus sur la croix – elle aussi formulée en des termes vétérotestamentaires et psalmiques en particulier – se pose aussi au lecteur: qui est ce Dieu qui n’intervient pas, ou semble ne pas intervenir, pour ce juste opprimé, son fils de surcroît? La réponse se trouve dans la suite du récit, et en particulier dans l’épisode de la résurrection: Dieu ne reste pas silencieux mais il répond à la mort en donnant la vie.
Les références psalmiques ont ainsi une fonction à la fois diégétique et extradiégétique: au niveau diégétique, niveau interne au récit, ils permettent au narrateur de déployer une stratégie narrative particulière qui se joue autour de la communion avec Jésus ou du refus de celle-ci. Le personnage du protagoniste est caractérisé d’emblée dans le récit de la passion grâce au cadre du Psautier: il est le juste opposé aux méchants, complètement seul face à eux et il a comme seul recours possible l’intervention de Dieu pour être libéré. L’utilisation des Psaumes permet ainsi de déployer et d’affirmer narrativement l’identité du fils ainsi que la nouveauté christologique que Marc propose.
Les Psaumes, expression d’une expérience humaine commune, établissent alors, au niveau extradiégétique, un contrat de lecture. À travers eux, tout lecteur peut se reconnaître en Jésus et en faire son modèle et même faire siennes les questions que ce dernier se pose, en particulier par rapport à Dieu; les Psaumes l’invitent ainsi à en­-trer dans une dynamique de dialogue entre un »je« et un »tu« qui se rencontrent à travers la Parole, d’abord celle du psalmiste, ensuite celle de Jésus.
S’affichant d’emblée comme étude synchronique (19), ce travail est fouillé, interpellant et toujours très stimulant. Il montre à quel point le personnage littéraire et théologique de Jésus construit par l’évangile de Mc est forgé sur l’arrière-plan d’une trame narrative tirée du premier Testament, en particulier du Psautier, ce qui inscrit pleinement le personnage dans une tradition particulière et pleine de sens, tout en lui conférant une identité tout à fait singulière, celle de »fils de Dieu«.
En finale, néanmoins, restent deux questions méthodologiques qu’il serait bon de clarifier pour une meilleure fruition de l’ouvrage. La première touche à la terminologie utilisée pour parler de l’instance narratrice. Bien qu’explicités dans le glossaire (349–356), les termes d’auteur, rédacteur, Marc ou encore narrateur sont utilisés de manière quasiment synonymique pour parler de la voix narrative (voir par ex. 45.200.230.308–309). Il serait sans doute bon, dans un tel cadre, d’expliciter d’emblée ce que l’on entend par chacun de ses termes, et peut-être même d’éviter d’utiliser auteur (implicite) et narrateur comme de simples synonymes. Cela aiderait sans doute à l’affinement d’une terminologie narratologique tout en permettant au lecteur non initié à la méthode de s’y retrouver plus facilement et de ne pas confondre, éventuellement, les plans historique et littéraire.
La deuxième question, probablement plus fondamentale, touche à la dépendance éventuelle du narrateur vis-à-vis d’un des personnages que le récit met en scène. À plusieurs reprises en effet, l’auteur affirme que le narrateur est influencé ou dirigé par le protagoniste, Jésus, dans sa manière de raconter (»il protagonista sovrasta il narratore«, 144; »La voce di Gesù s’intreccia con quella del narrante: la narrazione si dispone dentro la traccia delineata dal protagonista, ripresa e amplificata dal narratore. In Mc il punto di vista del protagonista è determinante e su di esso si modella la visione del narratore«, 314, voir aussi, par ex. 199.322.326). N’est-ce pas plutôt le narrateur qui met dans la bouche de son personnage les mots qu’il choisit de lui faire dire afin que la narration procède dans un sens plutôt que dans un autre? Ainsi, les mots de Jésus deviennent proleptiques de la suite parce que le narrateur le dispose ainsi, ce qui donne évidemment à ce personnage une place tout à fait singulière dans le récit. Dans le cas contraire, le risque est qu’une conception théologique ou christologique a priori du personnage – qu’il soit Dieu ou Jésus – influence la lecture d’un récit qui a aussi pour but de questionner le lecteur sur ses précompréhensions théologiques et christologiques.