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Ausgabe:

Januar/2011

Spalte:

52-54

Kategorie:

Neues Testament

Autor/Hrsg.:

Keener, Craig S.

Titel/Untertitel:

The Historical Jesus of the Gospels.

Verlag:

Grand Rapids-Cambridge: Eerdmans 2009. XXXVIII, 831 S. gr.8°. Geb. US$ 60,00. ISBN 978-0-8028-6292-1.

Rezensent:

Armand Puig i Tàrrech

L’ouvrage est conçu comme une synthèse qui prétend ressembler une partie substantielle de ce qu’on peut dire aujourd’hui sur le Jésus historique (349). Et il faut dire que, d’emblée, le lecteur est tenté de penser que l’A. a atteint son but. Les dimensions et l’index géneral du livre sont plutôt impréssionants, et le style d’écriture, fluide et proche du lecteur, en favorise la lecture. En plus, les matériaux fouillés relatifs aux écrits des mondes juïf et gréco-romain, qui se trouvent dans les notes (394–603) et qui sont répertoriés dans l’index biblique (745–763) et dans l’index de sources anciennes (764–831: presque 70 pages!), s’accompagnent d’une immense bibliographie (604–711: plus de 100 pages!), d’un index d’auteurs modernes (714–738) et d’un index thématique (739–744). Même le corps du livre, formé par trois sections (en total, 22 chapîtres, subdivisés en commodes unités de 2–3 pages) (1–349) et neuf appendices (350–393), participe de cette ampleur.
L’A. veut montrer – et presque démontrer – que les quatre évangiles canoniques (a) sont la source première et plus importante d’accés au Jésus historique, (b) ne peuvent pas être encapsulés dans un portrait unilatéral de celui-ci, (c) méritent d’être considérés comme une source de haute valeur historique qui attesterait presque toujours d’événements authentiques. L’accent majeur de l’ouvrage réside donc dans les sources et leur contribution à la fiabilité des matériaux évangéliques, surtout ceux des Synoptiques – l’analyse de l’A. laisse de côté Jn ou bien le considère secondaire d’un point de vue historique. Les sources (soient-elles juives, chrétiennes ou gréco-romaines) fournissent, d’après l’A., plus d’informations que ne l’ademttent beaucoup de chercheurs. L’A. est convaincu que la confiance dans les sources les plus anciennes devrait conduire à une image de Jésus plus complète et globale (»a fuller, more multifaceted picture of Jesus«, XXXVIII).
La Troisième Quête, surtout américaine, est l’objet de la première section du livre. Après un survol fort rapide des deux autres quêtes (on s’arrête sur Harnack et Bultmann, mais aussi sur Brandon), on passe au »Jesus Seminar«, à Crossan et à Mack. Ce sont les exemples choisis pour dessiner un portrait de Jésus, celui du savant cynique, qui est tout à fait delaissé par l’A. À son avis, à la place d’un Jésus non-eschatologique, il faudrait prendre le Jésus juif et galiléen. Les auteurs choisis sont ici Borg, Vermes et Sanders.
La deuxième partie – l’A. la tient pour sa contribution plus re­marquable (69) – est consacrée aux évangiles canoniques. À ce sujet, il souligne que les sources extracanoniques apportent seulement des »commentaires mineurs« sur Jésus et que, à différence des évangiles canoniques, elles sont toutes au moins du IIème siècle. Par contre, les évangiles canoniques, comme l’ont montré Burridge et Aune, sont des bioi de Jésus et suivent le modèle des biographies greco-romaines. Cela implique qu’ils s’intéressent à transmettre une information historique sur Jésus, qui est en tout cas essentielle (»substantial«, 126). L’A. prend comme exemple Lc-Ac, en particulier le prologue de Lc, pour souligner qu’on reste sur le domain d’une historiographie responsable par rapport aux sources et teinte d’apologétique. En fait, même les discours de Lc-Ac, chargés de stratégie rhétorique, sont remplis de références à l’histoire biblique et, par conséquent, n’abandonnent pas le goût pour ce qui historique.
Or, si on envisage l’ensemble des évangiles et leurs sources, écrites et orales, il est utile d’établir une comparaison avec les biographistes et historiens anciens, d’un côté, et avec le phenomène de l’oralité dans les cultures grecque et juive, de l’autre. L’A. reprend l’exemple de Luc, qui s’est fondé sur des témoins oculaires de toute confiance (cf. Lc 1,1–4). Et, en même temps, on remarque que Lc, qui est l’évangile avec les standards historigraphiques et rhétoriques greco-romains les plus élévés, ne s’éloigne pas des »faits« racontés par ses prédecesseurs (Mc, surtout) et conçoit son texte comme une »confirmation« de ce que Théophile déjà connaît. Parmi ces standards, on doit inclure la modification des matériaux (abrégement, expansion) qui ne nuit pas au principe de fidélité à la tradition. Pareil phénomène est vérifiable dans la tradition orale (Dunn, Bauck-ham). Ici, d’après l’A., la mémoire des témoins oculaires, surtout des disciples, attestée dans tout le monde ancien, reçoit et transmet les matériaux plus comme un réseau (»net transmision«, 149) que comme une chaîne individuelle.
Dans la troisième section, l’A. propose sa propre reconstruction historique de la figure de Jésus (163–349). De façon descriptive – et même juxtaposée – on suit les thèmes qui caractérisent le dossier du Jésus historique, toujours avec le but de montrer que les sources que l’on possède permettent une approche »sûre« de celui-ci. L’A. se rattache à une position couramment acceptée au sujet de Jean Baptiste (chapitre 11), mais dans le chapitre 13 (Jésus le Maître) il adopte une position plus floue: il souligne les éléments juifs des paraboles de Jésus mais il n’analyse aucun récit dans le cadre de son message. Cette tendence apparaît aussi dans le chapitre 15, dont le titre est déjà une conclusion: »Jesus’ Jewish Ethics«. L’A. souligne la judaïté ( Jewishness) de Jésus et voudrait en faire une clé globale d’interprétation. Or, dans cette même ligne, dans le chapitre 20, consacré aux causes de la mort de Jésus, on lit: »Jesus was offering himself as a martyr to turn away God’s anger from Israel, as Jewish tradition understood some other martyrs« (302). Il me paraît que cette position ne trouverait pas une grande acceptation dans le monde de la recherche sur Jésus.
Pour conclure, l’A. réussit à persuader le lecteur que les évan­giles canoniques possèdent une solidité historique remarquable: Théophile serait ravi de l’éprouver! Avec la force d’un convers (384–385), l’A. offre des raisons pour admettre l’authenticité des matériaux évangéliques. Mais, en plus, il veut élaborer une »synthèse« (46) de grande ampleur, et c’est ici que son projet s’avère plus compliqué. Même si l’effort est extraordinaire, les résultats restent trop rat­-tachés à la préoccupation constante relative à la valeur des sources. Une analyse plus approfondie des textes évangéliques comme tels (l’exception est Lc 1,1–4) aurait été souhaitable, surtout dans la partie consacrée à la reconstruction du Jésus historique. Il suffit de comparer le nombre de pages d’indexs dédiées aux citations des quatre évangiles canoniques (7) et le nombre dédié aux sources juives (33) et gréco-romaines (29). En outre, en ce qui concerne le message, l’A. n’aurait dû écarter le thème central des miracles, signes du Royaume, dans un livre qui veut être une synthèse.
Le livre illustre encore la difficulté d’exprimer un consensus à propos du Jésus historique, même avec »the best sources« (163), c’est-à-dire, les évangiles canoniques. Comme l’A. l’a bien vu (122), les sources évangéliques sont une tapisserie magnifique tissée avec les fils de l’histoire et de la théologie, mais le problème se pose dès le début: comment faut-il les interpréter? Comment peut-on y expliquer la réception de la tradition, c’est-à-dire les modifications (134) et les adaptations (144) qu’on y a introduites? Quel est le poids du critère de plausibilité dans la recherche du Jésus historique (ouvrage de Theissen – Winter)? Je suggère à l’A. un dernier ajout à sa longue bibliographie: J. Schröter – R. Brucker (ed.), Der histo­-rische Jesus. Tendenzen und Perspektiven der gegenwärtigen Forschung (BZNW 114), Berlin/New York: de Gruyter 2002.