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Ausgabe:

Juli/August/2010

Spalte:

819-820

Kategorie:

Altes Testament

Autor/Hrsg.:

Abadie, Philippe

Titel/Untertitel:

L’histoire d’Israël entre mémoire et relecture.

Verlag:

Paris: Cerf 2009. 240 S. 8° = Lectio Divina, 229. Kart. EUR 19,00. ISBN 978-2-204-09015-5.

Rezensent:

Jean Riaud

Ce livre ne propose pas une histoire d’Israël supplémentaire, précise son auteur qui veut seulement explorer certaines voies permettant de poser les conditions d’une plus juste appréciation de la Bible comme document d’histoire. Historiens, archéologues et biblistes se trouvent en effet confrontés à cette question cruciale: quelle est la nature du récit biblique et son rapport à la vérité?
Sans chercher à répondre à toutes les questions, A. entre dans ce débat dont il présente excellemment les termes, à commencer par la rencontre fort complexe, comme chacun sait, entre la Bible et l’archéo­logie. La question, pensait-on, était réglée, la fiabilité histo­-rique du texte biblique étant tenue pour acquise par de nombreux articles et des publications du genre La Bible arrachée aux sables (Und die Bibel hat doch recht). Or la question a rejailli hors des cercles des spécialistes. D’où l’importance d’apporter des éléments d’appréciation au lecteur ouvert à ces questions mais parfois désemparé. C’est l’objet du premier chapitre dans lequel A. présente l’évolution des rapports entre Bible et archéologie depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, et invite le bibliste à tenir compte dans sa quête historique du travail de l’archéologue, et celui-ci à ne pas négliger l’inten­tio­nnalité historienne des grandes synthèses bibliques.
Reflet de la foi du peuple d’Israël avant tout, l’Ancien Testament est en même temps la source souvent unique de l’histoire de ce peuple­. D’où la question que l’on ne peut manquer de poser concernant les sources dont dispose l’historien d’Israël, témoignages externes qu’autant internes. Un inventaire des sources écrites, conduit dans ce second chapitre, met en lumière leur richesse, mais aussi leurs limites en raison de leur caractère parcellaire, car elles sont souvent limitées à quelques périodes de l’histoire. D’où la question: la Bible est-elle fiable pour l’historien? À cette question, A. répond en précisant comment entendre »vérité historique« et surtout en insistant sur l’attention à porter à l’»intentionnalité historienne« du récit.
Le troisième chapitre qui traite du rapport entre texte biblique et archéologie, constitue une lecture critique de La Bible dévoilée. A. fait cette lecture à partir d’un lieu fort complexe: les origines d’Israël et la conquête de la terre. Il montre comment peut s’entendre un juste dialogue entre l’archéologue et le bibliste. Retenant l’épisode de la conquête de Jéricho, respecteux des données archéologiques, il ne cherche pas à concilier ces données et le récit biblique. Il choisit de se tourner vers le texte et de voir ce qu’il dit quand il parle de conquête. Ce qu’il fait découvrir grâce à une captivante critique littéraire.
Le chapitre 4 s’attache à un lieu encore plus débattu: les débuts de l’époque royale. Salomon fut-il un grand roi, à la tête d’un empire unifié, ou un simple potentat régnant dans la montagne de Juda? La réponse dépend bien évidemment du crédit qu’on accorde aux datations archéologiques proposées aujourd’hui, mais également de l’analyse du texte lui-même. Se gardant de trancher le débat qui porte sur la quasi disparition du X e siècle dans la chronologie »basse« sous-jacente à La Bible dévoilée, A. interroge par un autre biais la réalité du royaume salomonien, celui de la lecture critique du récit biblique, qui fait apparaître que »l’image produite de Salomon dans le livre des Rois tient plus du Grand Roi perse que d’un souverain israélite du Xe siècle av. J.-C.«.
Comment entendre alors la représentation biblique de deux royau­mes divisés après la mort de Salomon? Le chapitre 5, analyse rigoureuse de l’ensemble 1R 11–12, répond à cette question. 1R 12, 26–33, récit de la »rupture cultuelle« avec Jérusalem, dépend du récit précédent, la »rupture« d’Israël avec la maison de David (12,1–18), dont A. montre qu’il ne peut être tenu pour totalement historique. Nous avons un diptyque qui construit une histoire de la division entre Juda et Israël d’un point de vue judéen. Le narrateur entend préserver la légitimité du sanctuaire de Jérusalem et de la dynastie davi­dique, alors même que le royaume d’Israël est dépeint comme séparatiste et idolâtrique par la faute de ses rois dont Jéroboam est le prototype.
Le chapitre 6 traite de l’époque des Omrides présentés comme les véritables créateurs du royaume israélite. Quelle place convient-il d’accorder à Omri et surtout à son fils, Achab, le roi israélite le plus décrié, couvert de mépris dans le récit biblique alors que les preuves archéologiques et les sources extérieures montrent qu’il fut le plus puissant souverain qu’ait connu Israël. De tels écarts ne peuvent s’expliquer si on ne porte pas un regard attentif sur le texte biblique et ses intentionalités. On découvre alors que ce récit construit une histoire où »la vérité est moins à chercher dans le factuel que dans le jugement théologique qu’Israël porte sur son passé«: l’histoire d’Achab devient une préfiguration du destin d’Israël, une annonce anticipée de l’exil.
Un index des citations bibliques et des sources anciennes et une excellente bibliographie complètent cet ouvrage qui, à la question si souvent posée: la Bible est-elle un livre d’Histoire? nous apporte une réponse forcément nuancée mais fort éclairante: La Bible est un livre dans l’Histoire.