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Ausgabe:

März/2010

Spalte:

345-346

Kategorie:

Dogmen- und Theologiegeschichte

Autor/Hrsg.:

Pian, Christian

Titel/Untertitel:

H. Richard Niebuhr.

Verlag:

Paris: Cerf 2009. 346 S. 8° = Initiations aux théologiens. Kart. EUR 35,00. ISBN 978-2-204-08795-7.

Rezensent:

Jean Riaud

Le fait que Helmut Richard Niebuhr demeure un théologien trop méconnu en Europe et particulièrement en France ne doit pas masquer une autre réalité: il est reconnu outre-Atlantique comme un penseur majeur du XXe siècle, l’un de ceux qui ont le plus influencé le développement de la théologie contemporaine en Amérique. Aussi nous réjouissons-nous de la publication de cet ouvrage dont le propos, précise son auteur, est de faire connaître ce théologien dans le paysage théologique de son époque et de proposer une présentation générale de son œuvre et de son influence jusqu’à aujourd’hui.
Après une présentation d’ensemble de la vie de H. Richard Nie­buhr, C. Pian énumère un certain nombre de »points de repère« pour appréhender le parcours intellectuel du théologien dont l’œuvre est mise en lien avec son programme de recherche. Grâce à la relecture de ce programme, nous pouvons ensuite resituer les ouvrages de Niebuhr – en fait peu nombreux –, tout autant qu’un certain nombre d’articles et textes importants, dans leur contexte d’élaboration. Le théologien n’a pas, en effet, élaboré une théologie systématique, et il ne lui fut pas permis d’écrire la synthèse théologique et éthique qu’il envisageait.
Venons-en aux grands thèmes qui traversent cette œuvre en commençant par préciser la voie que cherchèrent à approfondir Helmut Richard Niebuhr et son frère Reinhold, la voie entre »idéalisme pur« et »réalisme amer«. Cet approfondissement se fit sur fond d’un débat théologique passionnant qui oposa les deux frères et dont, semble-t-il, la pointe touche à l’interprétation théologique que l’on peut donner à l’histoire pour décider des initiatives individuelles et politiques qui nous sollicitent en ce monde. Comme le montre excellemment P., les deux frères rompirent très tôt avec la théologie libérale protestante de leur époque. H. Richard Niebuhr estimait que la théo­logie libérale dans sa version sociale passait sous silence la présence de Dieu au monde dans l’ordre d’un salut et d’un jugement à l’œuvre dans l’histoire. Il montrait, en effet, que cette théologie ne s’intéresse qu’à l’homme. De plus, et c’est bon de le noter, il se démarquait des tenants de la néo-orthodoxie, notamment Karl Barth et aussi son frère, Reinhold, qui, selon lui, niaient la possibilité d’une vraie présence salvivique en ce monde, présence efficace dans et à l’horizon de l’histoire humaine.
Nous abordons ici un thème central, voir le thème central de l’œuvre de Niebuhr: une »théorie chrétienne de l’histoire«. Cette théorie est motivée d’abord et avant tout par une option théologique fondamentale, à savoir la nécessité d’assurer le lien entre la foi et l’éthique. Plus même qu’un lien, la théorie chrétienne de l’histoire doit se dire comme une expression de la foi et constituer en elle-même, une aide pour l’orientation de la vie. Comme modèle d’une telle théo­rie de l’histoire, Niebuhr convoque celle qui est donnée à voir dans la personne même de Jésus. Cette théorie, objet de Reflections on the Christian Theory of History, »représente, d’un côté, dans ses affirmations et ses refus, une expression de la foi en Dieu et en son gouvernement. Dieu est roi, malgré les apparences du contraire, et son gouvernement doit devenir manifeste dans l’histoire. L’éthique de Jésus repose sur la même foi en Dieu; elle ne dépend pas de l’eschatologie [de son temps], mais il s’agit d’une éthique de la foi qui peut s’exprimer en termes de sagesse-pensée comme d’eschatologie«.
En parcourant les travaux que Niebuhr a consacrés à cette théorie, P. déploie de celle-ci toute la richesse: elle est au service de l’humanité et du sens; elle permet de repenser le Royaume comme inauguré et la coopération de l’homme comme effective, de comprendre Dieu dans l’histoire, de reconnaître la place de la résurrection dans l’interprétation chrétienne de l’histoire et ses implications; elle situe l’homme devant Dieu dans l’histoire comme sujet répondant et conditionne très largement la façon dont on doit envisager la foi en un Dieu véritablement souverain et la perspective du monothéisme radical en pensant Jésus-Christ comme le monothéiste radical à l’éthique exemplaire et en le considérant comme »forme symbolique« qui nous révèle ce que doit être le sujet responsable. L’éthique de celui-ci est une éthique de la réponse, authentiquement théolo­gale et comme comportant des dimensions sociales de façon constitutive. – Cet ouvrage qui comporte une importante sélection de textes du théologien et une bibliographie aidera à découvrir et à mieux connaître ce que peut être une éthique théologiquement fondée pour penser ce monde, y trouver sa place et tenter d’y agir comme chrétien.