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Ausgabe:

November/2009

Spalte:

1225–1227

Kategorie:

Dogmen- und Theologiegeschichte

Autor/Hrsg.:

Livingston, James C.

Titel/Untertitel:

Modern Christian Thought. 2 Vols. Second Edition.

Verlag:

Minneapolis: Fortress Press 2006. Vol. 1: The Enlightenment and the Nineteenth Century. XV, 430 S. m. Abb. gr.8°. Vol. 2: The Twentieth Century. With F. Schüssler Fiorenza, S. Coakley, J. H. Evans. XVI, 544 S. m. Abb. gr.8°. Kart. US$ 56,00 (2 Vols.). ISBN 978-0-8006-3795-8 (Vol. 1); 978-0-8006-3796-5 (Vol. 2).

Rezensent:

Pierre Gisel

Ces deux volumes proposent au lecteur un parcours traversant la modernité, de l’Aufklärung à la fin du XXe siècle, et avec, pour chaque moment ou auteur présenté, quelques extraits de textes et des références bibliographiques choisies (un index des noms cités et d’un certain nombre de notions clôt chacun des deux volumes). C’est une œuvre de référence, qui sera utile à chacun, professeur, étudiant (il existe d’ailleurs un matériel pédagogique en lien avec les divers chapitres du livre sur le webb) ou public cultivé. Une œuvre équilibrée, que ce soit au plan confessionnel (catholique et pro­tes­tant en tout cas, l’orthodoxie orientale manquant un peu) ou au plan des aires culturelles touchées (Europe et Etats-Unis d’Amé­rique, ainsi qu’Amérique latine, mais manquent l’Afrique et l’Asie notamment). L’ensemble est écrit dans la meilleure tradition universitaire américaine: clarté, décentrement ecclésial ou idéolo­gique, sûreté historico-factuelle tout en étant sous-tendu d’un sens des problématiques et des questions en jeu. Bref, un livre de réfé­rence, à recommander.

Si le premier tome est de Livingston seul, le second est signé de Livingston et de Francis Schüssler Fiorenza (pour les chapitres plus spécialement consacrés à des courants catholiques), secondés en outre par Sarah Coakley (pour les théologies féministes) et James H. Evans, Jr (pour les théologies afro-américaines).

Le premier tome s’ouvre par une introduction d’une douzaine de pages sur »Modernity and Christianity«, que suit un chapitre »The Enlightenment and Modern Christianity«, touchant les thèmes de l’autonomie, de la raison, du statut de la nature, d’un optimisme quant à l’amélioration de la vie humaine, du progrès et de la tolérance. On passe ensuite au parcours proprement dit, traversant les œuvres, les auteurs, les mouvements de pensée: La »Religion of Reason«, avec Herbert of Cherbury, le »Rational Supernaturalism«, les »Deism« anglais, dont Toland et Tindal, et français, avec Voltaire, ainsi que la situation en Allemagne, avec Wolff, Semler, Reimarus et Lessing; le »Breakdown of the Religion of Reason«, avec Rousseau, Butler, Hume, Kant et la »Contre-Aufklärung« de Hamann et Herder; le moment romantique en terre protestante, avec Coleridge, Schleiermacher et Bushnell; le moment de l’idéalisme spéculatif, avec Hegel, Bauer, Biedermann, John et Edward Caird; le moment romantique en terre catholique et française, et ses cristallisations traditionalistes et fidéistes, avec Chateaubriand, Maistre, Lamennais et Bautin; le moment, dit romantique toujours, mais cette fois sur sol anglais et anglican, avec »the Anglo-Catholic Revival«, ainsi que le »Oxford Movement« (Keble, Newman, Williams, Pusey); la pensée catholique en Allemagne et en Angleterre, avec l’ E´cole ca­tholique de Tübingen de Drey et Möhler ainsi qu’avec le Newman catholique-romain; la critique posthégélienne du christianisme en Allemagne, avec Strauss, Feuerbach et Marx; les débats et conflits entre science et théologie, en lien avec la critique biblique et le darwinisme, et alors avec, d’un côté, antidarwinien, Hodge, et de l’autre côté, sur sol orthodoxe ou libéral, Moore, Abbott et d’autres; l’E´cole ritschlienne et ce qui est spécifiquement dit libéralisme protestant, avec Ritschl bien sûr, Herrmann, Harnack et Rauschenbusch; l’E´cole théologique de Princeton, restauratrice et conservatrice, avec Hodge à nouveau et Warfield; les mouvements également restaurateurs et conservateurs, mais sur terrain catholique, avec la victoire des ultramontains et Vatican I, puis le néo-thomisme, Mercier et Garrigou-Lagrange notamment; enfin, faisant ici pendant, en catholicisme romain toujours, une apologétique nouvelle et le modernisme, avec, respectivement Ollé-Laprune, Blondel et Laberthonnière, puis Loisy, Tyrrell et Le Roy. Ce premier volume se termine avec une présentation et une relecture de Kierkegaard et de Nietzsche, tout deux mis à l’enseigne d’une ouverture en direction du XXe siècle.

Le second volume s’ouvre, comme le premier, par un chapitre faisant un peu synthèse, ici des données et des défis se tenant à l’aurore du XXe siècle, »The Legacy of Modernity and the New Chal­lenges of Historical Theology«, passant en revue la question de l’autorité, du développement historique de la doctrine, de la quête d’une »essence«, de la connaissance possible de Dieu et du rapport entre Dieu et sa Parole, avant de se concentrer plus spécifiquement sur la »Religionswissenschaft«, l’interprétation dite eschatologique de Weiss et de Schweitzer, ainsi que la »Religionswissenschaftliche Schule«, et de terminer par Ernst Troeltsch. Le volume présente ensuite un parcours ainsi balisé: l’»American Empirical and Naturalistic Theology«, avec James, Macintosh, Dewey et l’ E´cole de Chicago, Wieman; la théologie dialectique de Barth, Brunner et Go­garten; les théologies, ultérieures, de Barth et de Bonhoeffer; le »Christian Existentialism«, avec Marcel, Tillich et Bultmann (mettre Tillich à cette enseigne peut paraître un peu réducteur, mais il est vrai qu’il a lui-même souvent sanctionné le vocable d’existentialisme pour caractériser sa posture); un »Christian Realism«, américain et ici dit »Post-liberal«, avec les frères Niebuhr; en catholicisme, la »nouvelle théologie« et le thomisme transcendantal, avec Maréchal bien sûr, puis Lubac, Rahner Lonergan, Schillebeecks; Vatican II et l’Aggiornamento proposé en théologie catholique, avec Congar, le Concile lui-même, Küng, Murray, Balthasar, Ratzinger, les suites de Vatican II; la théologique politique et latino-améri­caine de libération, avec deux mises en contexte, puis Metz et Moltmann, suivis de Gutiérrez, Segundo et Boff; les théologies du »Process«, avec Whitehead, Hartshorne, Ogden et Cobb, mais aussi, les précédant, Teilhard de Chardin et Bergson; »History and Hermeneutics«, avec Pannenberg, Gadamer, Ricœur, Tracy et Frey; un chapitre consacré à l’»Evangelical Theology«, avec un retour sur le fondamentalisme, un examen du »New Evangelicalism«, Berkouwer et Henry; les théologies féministes, avec, après une mise en perspec­tive, Schüssler Fiorenza, McFague et Irigaray; la »Black Theology in America«, avec, là aussi après une mise en contexte, Martin Luther King et Cone, ainsi que la »Black Womanist Theology«; la théologie des religions, avec les positions catholiques romaines, la voie inclusive de Rahner, puis Samartha, Smith et Hick, et le nouveau dialogue interreligieux (manquent ici Dupuis et d’autres, soit plus nettement pluralistes, soit plus métissés, notamment avec l’hindouisme, sans parler de la Chine, du Japon ou de la Corée). Le volume se termine par un chapitre consacré à la pensée chrétienne à la fin du XXe siècle, où se retrouvent des »Postmodern«, radicaux ou conservateurs, ainsi Kaufman, Altizer, Taylor et Marion, puis des tenants d’une épistémologie réformée ou néo-calviniste, tels Plantinga et Wolterstorff, des représentants d’une trajectoire wittgensteini­enne, et enfin des penseurs dits postlibéraux, tels Lindbeck et Hauerwas (on aurait pu y ajouter la Radical Orthodoxy, absente).

L’ouvrage montre bien, sur la période allant de l’Aufklärung à la fin du dernier siècle, comment la pensée chrétienne se trouve aux prises avec la modernité, avec ses attitudes de refus ou d’accueil mêlée, ses différentes stratégies d’adaptation, conscientes ou non, tissant, selon les moments, les auteurs ou les mouvements et écoles, de la construction nouvelle et de l’articulation critique – un arc différencié d’attitudes elles-mêmes différenciées à l’égard tant du monde, ici moderne, que d’héritages antérieurs –, entre positions simplement défensives ou platement adaptatives. Comme je l’ai dit, il s’agit d’un excellent outil de travail. On peut néanmoins regretter que, au terme du parcours, ne soient pas signalés, encore moins pris en considération, des changements de paradigmes probablement plus radicaux actuellement à l’œuvre dans le champ théologique ou d’études du religieux, en lien avec les sciences humaines et sociales, notamment l’anthropologie, et à la mesure d’une contestation critique plus décentrante des héritages chrétiens ou plus globalement monothéistes.