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Ausgabe:

Dezember/2007

Spalte:

1346 f

Kategorie:

Dogmen- und Theologiegeschichte

Autor/Hrsg.:

Bourgine, Benoît

Titel/Untertitel:

L’herméneutique théologique de Karl Barth. Exégèse et dogmatique dans la quatrième volume de la Kirchliche Dogmatik. Préface de M. Leiner.

Verlag:

Leuven: Leuven University Press; Leuven-Paris-Dudley: Peeters 2003. XVI, 548 S. gr.8° = Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium, 171. Kart. EUR 75,00. ISBN 90-5867-362-6 (Leuven University Press); 90-429-1371-1 (Peeters).

Rezensent:

Jean-Denis Kraege

La thèse principale de l’a. consiste à affirmer que le refus barthien de l’historicisme – en particulier dans la quatrième partie de la KD– annonce et même prophétise la lecture postmoderne et polysé­mique de l’Ecriture.
Pour démontrer cette thèse, l’a. s’intéresse à deux éléments im­portants de l’herméneutique de Barth au cours de KD IV: ce qu’il nomme la facticité et l’historicité de l’Écriture. Il affirme d’abord que l’herméneutique de Barth est herméneutique de la facticité, traduisant ainsi le terme Sachlichkeit. L’allusion est claire à la seconde version du commentaire aux Romains. Barth y affirme déjà ne s’intéresser qu’à la Sache du texte. On sait que cette »chose« à laquelle le texte renvoie et donne accès est – plus Barth avance – fondamentalement l’événement Jésus-Christ. Or cet événement est un événement historique. Il faudra donc aussi traiter de l’autre pan de l’événement Jésus-Christ: son historicité. Si l’herméneutique de la facticité est, en effet, pour l’a. »fondatrice«, celle de l’historicité est »effectuante«.
On pourrait penser – à la suite de Bultmann – que, de cette tension entre facticité et historicité, jaillisse une herméneutique qui prendrait pleinement en compte l’historicité tant du texte que de son lecteur. Il n’en est rien. L’a. trouve en Barth l’occasion d’insister sur l’historicité certes de Dieu, de la Parole de Dieu et du salut, mais pas de l’homme. Il évite les quelques passages de KD IV (cf. aussi le texte contemporain de KD IV intitulé L’humanité de Dieu) où Barth pourrait donner à penser qu’il entrerait quand même en matière à propos de l’historicité de l’existence humaine avec toutes les portes que cela ouvre sur quelque chose qui pourrait avoir affaire avec l’exigence d’une interprétation existentiale.
De fait, l’ouvrage est pensé contre Bultmann et plus largement contre l’école historico-critique qui appartiennent définitivement, selon l’a. et l’air du temps, aux oubliettes du passé. Plus encore, l’a. insiste sur l’opposition fondamentale – avec avantage à Karl Barth – entre l’interprétation existentiale corrélée au programme de démythologisation et l’inspiration tant du lecteur que de la parole dont la performativité rend inutile toute prise en compte de l’»existence« du lecteur. Mais est-il si évident que cette Sache de l’Écriture, ce ne soit que Jésus-Christ? N’est-ce pas aussi – et bien articulée à l’événement de parole qu’est Jésus-Christ – une compréhension de soi – voire même une pluralité d’ycelles? Barth lui-même n’avait-il pas été dans cette direction en lisant pour la deuxième fois le Römerbrief?
Comme on le sait, il est possible d’aborder le problème herméneutique par une autre porte d’entrée: la question de la rationalité de la théologie et de son herméneutique. L’a. le fait et doit défendre après Barth qu’il existe une »logique inhérente à la raison théolo­gique«. Cela évite la confrontation avec les exigences de la rationalité philosophique. Cela permet de ne pas avoir besoin de rendre des comptes face au tribunal rationaliste exigeant que l’on travaille avec des idées »claires et distinctes«. C’est en particulier ce qui se passe quand on travaille avec l’analogia fidei.
Cette dernière allusion m’amène à m’interroger face à la lecture de Barth que fait l’a. Le mage bâlois est pris de manière synchro­nique comme s’il n’y avait pas d’évolution dans sa pensée. Les ruptures dont Barth lui-même a parlé ne sont pas prises en compte. La discussion de Barth avec lui-même à propos de sa période dialec­tique ne mériterait-elle pas d’être reprise afin de prendre critiquement distance à l’égard du Barth »dogmatique« au nom du Barth »dialectique« par exemple?
Qu’on me permette de relever que l’a. laisse entendre son ori­gine catholique par quelques traits et en particulier par son insistance –très postmoderne – sur l’inspiration non seulement des auteurs bibliques, mais des lectures qui ont été faites du texte, moyen de réintroduire la tradition aux côtés de l’Écriture. Même si on peut effectivement trouver quelque chose qui va dans ce sens chez Barth, je ne suis pas sûr que ces affirmations ne soient pas contrebalancées par un nombre bien plus grands de passages allant dans un sens bien différent! Cela pour dire mon admiration face à la manière dont l’a. rend compte de la pensée fourmillante de Barth. Son information est faramineuse. Le texte sent toutefois la thèse de doctorat avec les longs résumés permettant de montrer que le texte a été bien compris, avec les précautions rhétoriques pour se prémunir contre les attaques du jury et le jargon postmoderne nécessaire à la respectabilité du futur docteur. Lorsqu’on passe sur ces désagréments, l’ouvrage de l’a. vaut le détour, ne serait-ce que pour saisir dans quel sens va l’interprétation actuelle de Barth dont il rend bien compte et plus largement dans quelle direction vont – toutes différences confessionnelles surmontées – les principaux théologiens actuels.