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Ausgabe:

Oktober/2008

Spalte:

1113–1115

Kategorie:

Dogmen- und Theologiegeschichte

Autor/Hrsg.:

Theobald, Christoph

Titel/Untertitel:

Le Christianisme comme style. Une manière de faire de la théologie en postmodernité. 2 Bde.

Verlag:

Paris: Cerf 2007. Bd. 1: IV, 506 S. 8° = Cogitatio Fidei, 260. Kart. EUR 45,00. ISBN 978-2-204-08420-8. Bd. 2: II, S. 509–1110. 8° = Cogitatio Fidei, 261. Kart. EUR 45,00. ISBN 978-2-204-08534-2.

Rezensent:

Jean Riaud

Ce livre n’est pas, comme son titre risquerait de le faire entendre, une approche de théologie esthétique, une réflexion sur le beau. Le projet de Th. est à la fois différent et plus ambitieux: méditer comment le christianisme permet d’habiter le monde, et nous aider ainsi à découvrir toutes les potentialités que nous offre le christianisme dans les divers débats de la modernité et de la postmoder­nité. Comme son sous-titre le laisse clairement entendre, cet ouvrage n’est pas seulement un diagnostic théologique du moment présent, c’est aussi une réflexion sur une manière de faire de la théologie en postmodernité, c’est-à-dire une réflexion sur les conditions de possibilité de la théologie dans l’intelligence contemporaine.
Th. reconnaît que son projet d’exprimer l’identité chrétienne en termes de »style« n’est pas nouveau; Friedrich Schleiermacher et Hans Urs von Balthasar l’avaient mis en œuvre, le premier selon une orientation herméneutique, le second dans le cadre d’une phénoménologie théologique. Ce concept de »style« permet de penser la singularité de telle œuvre, l’»allure« qui ne relève plus d’une comparaison classificatrice mais de la manifestation d’une unicité incomparable et d’une véritable innovation. »Tout style«, écrivait Maurice Merleau-Ponty que cite Th., »est la mise en forme des éléments du monde qui permettent d’orienter celui-ci vers une de ses parts essentielles.« Penser le christianisme comme »style« permet de ne pas le réduire à un contenu doctrinal, mais »d’honorer l’ensemble de la vie chrétienne comme une manière d’habiter le monde«.
Le livre reprend des travaux de Th. publiés après la parution en 1988, de son étude sur »Maurice Blondel et le problème de la modernité«. Mais ces travaux ont été transformés plus ou moins substantiellement, la modification la plus importante étant leur intégration dans le plan d’ensemble de l’ouvrage qui comprend quatre parties. La première partie est consacrée au diagnostic du moment présent, le diagnostic du christianisme dans la modernité et la postmodernité (I), la deuxième et la troisième à la manière de faire de la théologie, en lien avec la tradition spirituelle du christianisme (II) et appuyée sur la lecture des Écritures (III). »Il s’agit là«, précise Th. (13) »des deux versants, externes et internes, les plus visibles d’une même présence chrétienne dans notre histoire, visée par la terminologie du ›style de vie‹: le christianisme comme style.« Celui-ci trouve sa pleine explicitation dans la dernière partie (IV).
Ces quatre parties sont précédées d’une »ouverture«, premier »contrepoint« qui fait entendre tous les thèmes traités dans l’ou­vrage. Dans cette »ouverture«, Th. fait revenir au passage constitutif de la foi chrétienne, situé entre le »mouvement« de Jésus de Nazareth et l’Église naissante, les premières communautés chrétiennes. Selon lui, la fécondité du réseau relationnel de Jésus s’enracine dans un type d’»hospitalité absolument unique«. Les récits évangéliques qu’il nous convie à lire avec lui, montrent l’»éton­nante distance du Nazaréen par rapport à sa propre existence«. Parlant d’un autre, du »Fils de l’homme« par exemple, Jésus ajourne sans cesse la question de son identité, refusant de la laisser se fixer prématurément. Cette posture n’est pas une ruse ou un stratagème; elle est l’expression de »sa singulière capacité d’apprendre du tout-venant comme d’ailleurs de chaque nouvelle situation qui se présente«, l’auteur de l’épître aux Hébreux l’avait bien compris qui a résumé l’itinéraire de Jésus dans cette phrase lapidaire (He 5,8): »Il apprit par ses souffrances l’obéissance«. Jésus se comporte lui-même comme »disciple«, et ce faisant, crée un espace de liberté autour de lui, tout en communiquant, par sa simple présence, une proximité bienfaisante à ceux et celles qui viennent à sa rencontre. Dans toutes les rencontres qu’il fait à l’improviste se dessinent un type de relation et un effet bien particulier.
Cette relation s’inscrit dans un »type d’hospitalité absolument unique«, la sainteté »hospitalière« du Nazaréen, caractérisée par la »capacité d’apprentissage ou de dessaisissement de soi au profit d’une présence à quiconque ici et maintenant«. Ce dessaisissement de soi et cette capacité d’apprentissage ne sont pas une expression de faiblesse, mais le signe d’une »autorité« ou d’une »force« dont le secret est sa concordance avec lui-même: il »rayonne parce qu’en lui, pensées, paroles et actes concordent absolument et manifestent la simplicité et l’unité de son être«. Mais son rayonnement n’éblouit pas; il se fait discret, s’efface au profit de quiconque, suscite et ré­vèle en lui le même »élémentaire« de vie, appelé aussi »foi«, dont il ne s’approprie jamais l’origine. Il dévoile dans celui ou celle qu’il rencontre le même »possible« d’hospitalité, et les éveille à la sainteté, mais laisse aller ou renvoie ses partenaires sans s’empêcher pour autant d’appeler certains à le suivre.
Cette hospitalité pacifique et contagieuse est maintenue jus­qu’au bout dans chacune de ces rencontres où se joue un événement définitif et ultime: la confrontation de chacun avec la naissance et la mort. Comment? En annonçant»l’Évangile de Dieu«, en faisant entendre d’abord le »eu« – »bonne« – dans cette annonce, relayée par les »béatitudes« ou »heureux!« du Nouveau Testament. Le »heureux« entendu désarme la mort comme dernier ennemi de la vie et la transforme »en messager, capable de convaincre le tout-venant du prix incomparable de son existence«. Celui qui l’entend »perçoit subitement l’unique nouveauté qu’est son simple exister entre sa naissance et sa mort et qu’est en même temps l’exister d’autrui«.
Cette »ouverture« nous conduit à nous interroger sur les lieux créés par des êtres hospitaliers. Ces lieux existent-ils? Où se trouvent-ils dans l’Église? Y trouve-t-on les réponses aux questions de l’époque postmoderne? Pour ce qui est de l’Église dont Th. connaît parfaitement les débats qui l’agitent, trois chapitres de la quatri­ème partie abordent sa dimension théologale, son unité, sa sain­teté, sa catholicité et son apostolicité. Toujours dans cette quatrième partie, une contribution originale au débat sur la »théologie poli­tique« est l’objet du chapitre II qui a pour titre: »La foi trinitaire des chrétiens et l’›énigme du lien social‹«. Elle est suivie de »jalons pour une théologie de la rencontre entre juifs, chrétiens et musulmans«. À propos de la mondialisation, signalons les deux importants chapitres: »Le messianisme chrétien: une manière de s’intro duire dans le processus de mondialisation«, et »Unité de Dieu, unité du monde«. Ce chapitre nous invitant à repenser »l’unité« dans le contexte de la mondialisation.
L’auteur de cette œuvre magistrale dont cette recension ne peut que laisser entrevoir l’extraordinaire richesse, nous invite à vivre une expérience chrétienne et nous ouvre des chemins nouveaux en nous indiquant »une manière de faire de la théologie en postmodernité«. Nous l’en remercions chaleureusement.