Recherche – Detailansicht

Ausgabe:

September/2008

Spalte:

1010–1011

Kategorie:

Ökumenik, Konfessionskunde

Autor/Hrsg.:

Gerdes, Uta

Titel/Untertitel:

Ökumenische Solidarität mit christlichen und jüdischen Verfolgten. Die CIMADE in Vichy-Frankreich 1940–1944.

Verlag:

Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht 2005. 380 S. m. 1 Kt. gr.8° = Arbeiten zur Kirchlichen Zeitgeschichte. Reihe B: Darstellungen, 41. Geb. EUR 62,00. ISBN 3-525-55741-8.

Rezensent:

Matthieu Arnold

De nos jours, la CIMADE est connue pour son combat en faveur des étrangers (migrants et réfugiés) en France, et notamment pour l’assistance qu’elle apporte aux déboutés du droit d’asile. Mais sait-on que l’objectif originel de cette association, créée il y a près de 70 ans (1939), fut de porter secours aux évacués alsaciens et lorrains dans la France dite »de l’intérieur«? (Dans l’attente de l’offensive allemande, le gouvernement français avait décrété, dès l’automne de 1939, l’évacuation d’une partie de l’Alsace et de la Lorraine, mais les relations des évacués, de confession protestante et germanophones pour nombre d’entre eux, avec les compatriotes qui furent contraints de les accueillir et de les héberger, ne furent pas toujours harmonieuses.) En effet, le sigle CIMADE signifie: Comité inter-mouvements auprès des évacués.
Fondé sur de nombreuses sources inédites (archives de la CIMADE, du Conseil Œcuménique des Églises, du Conseil juif mondial, de la Fédération Protestante de France ou encore de la Société de l’Histoire du Protestantisme français), l’ouvrage solidement documenté de G. brosse l’histoire de cette association, entre 1940 et 1944. Dédié à la mémoire de Leonore Siegele-Wenschkewitz, dont on connaît les travaux sans concession (à l’instar de ceux de Martin Greschat, d’Ursula Büttner ou de Sasa A. Vuletic) sur l’attitude des Chrétiens vis-à-vis des Juifs sous le IIIe Reich, cet ouvrage participe de la recherche, en plein essor, sur le comportement des Chrétiens français sous l’Occupation (voir notamment l’étude de Limore Yagil, Chrétiens et Juifs sous Vichy [1940–1944]. Sauvetage et désobéissance civil, Paris 2005).
L’ouvrage de G. est agencé en sept chapitres: après avoir brossé – sans doute à trop gros traits – le tableau du contexte (situation politique en France, état du protestantisme français, aide apportée par le Conseil Œcumenique des Églises aux réfugiés: chapitre 1), G. met en évidence l’évolution des objectifs de la CIMADE, depuis sa fondation jusqu’en 1944: après être venue en aide aux évacués alsaciens et lorrains (chapitre 2), la CIMADE est intervenue, dès l’hiver 1940–1941, de manière officielle dans les camps d’internement (chapitres 2 à 4); par la suite, la radicalisation de la politique raciste et antisémite de Vichy (ainsi, en juillet 1942, la rafle du Vélodrome d’Hiver, ou l’État français livra à l’Occupant, qui n’en demandait pas tant, de jeunes enfants juifs!) contraignit la CIMADE à des actions clandes­tines (chapitres 5 à 7).
Sur des questions débattues, nous avons apprécié les positions pondérées de G.: ainsi, certains estiment que, par cette action, la CIMADE a, indirectement, cautionné les exactions de Vichy contre les droits de l’homme. De même, ce sont des pages équilibrées que G. consacre au thème des baptêmes de Juifs dans ces mêmes camps (159–166): les équipières et les équipiers de la CIMADE n’ont pas profité de la situation précaire des Juifs pour se livrer à un prosélytisme déplacé; certaines demandes de baptême étaient motivées par des conversions sincères, et, en règle générale, les Protestants furent plutôt réticents à y porter une réponse favorable.
L’ouvrage de G. est bien informé, même si, par exemple, elle présente de manière un peu sommaire les thèses de Pomeyrol (1941), par lesquelles des théologiens (et des théologiennes, telles que Suzanne de Dietrich) protestants exprimèrent leur résistance à l’antisémitisme et au totalitarisme. Par ailleurs, G. a-t-elle raison de poser des questions telles que: »Die CIMADE – eine Frauenbewegung?«, dans une perspective féministe? G. elle-même reconnaît que ce mouvement n’était pas féministe au sens où il aurait lutté pour libérer des femmes d’une oppression patriarcale (85). Mais était-il nécessaire de consacrer plusieurs pages à cette interrogation, lors même que les objectifs de la CIMADE n’ont jamais concerné une telle »libération«, et que les femmes et les hommes de ce mouvement – comme l’ensemble de la Résistance française – lut­taient contre une tout autre oppression? Il aurait été plus intéressant d’insister sur le rôle indirect qu’a accompli la CIMADE (comme d’autres mouvements liés, de près ou de loin, à la Résistance, er qui comptaient une importante proportion de jeunes femmes déterminées et courageuses) dans l’émancipation des femmes en France et dans leur promotion au sein de l’Église, après la guerre: c’est ainsi que Madeleine Barot, dont le nom est indissolublement lié à la CIMADE, a exercé d’importantes fonctions au sein du Conseil Œcumenique des Églises après 1945, et que, loin de rentrer dans le rang, elle a mené de nombreux combats pour les droits de l’homme.
L’intérêt de cette étude réside donc principalement dams son apport à l’histoire de la désobéissance civile (voir à ce sujet les travaux de Jacques Semelin; G. ne parle pas de Widerstand, et ne situe guère les actions de la CIMADE sur les échelles de la »Résistance« établies au cours des dernières décennies par les historiens du IIIe Reich) et aux relations entre Chrétiens et Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.
Une importante bibliographie (315–339) atteste la bonne connaissance qu’a G. de la littérature secondaire – notamment fran­çaise; seuls les travaux de R. Paxton, cités par G., datent un peu. Un précieux index des personnes (avec de courtes biographies, 342–380) facilite la consultation de cette stimulante étude.